Altaïr
| Sujet: Fragment #28 - Sur le rebord de la fontaine 09.04.08 16:24 | |
| Mercredi 14 juin 2006 à Dijon Nalvenn m’a traîné au jardin de l’Arquebuse cet après-midi. Il fait chaud. Je comprends ce que Lilian a pu ressentir quand je l’ai emmené de force au cinéma : un mélange de rancœur et de reconnaissance inavouée. Il y a beaucoup de gens. Je les regarde. Des fleurs aussi. Insouciantes. Nous nous installons sur le rebord de pierre de la fontaine. Je me souviens la dernière fois que nous sommes venus ici, mais aujourd’hui, les embruns nous apportent une fraîcheur délicieuse. Nalvenn est inquiète, il y a du givre dans ses yeux. Je voudrais poser ma main sur sa cuisse, oublier son fiancé angélique, lui écarter les jambes, rentrer en elle avec violence, la tuer peut-être - oh Jill, comme je te hais… Pourquoi m’as tu laissé ? Des larmes me coulent des yeux. Comme je hais ton père et sa pestilence, comme je voudrais que rien ne se soit passé. Je pleure comme un enfant, la tête baissée. Frappe moi Nalvenn, mes pensées sont corrompues par le sang, frappe moi pour me faire vomir, vomir ce sang noirâtre et bilieux qui suinte dans mon corps. Nalvenn me regarde, et me serre contre elle. Mes bras l’enserrent. Je pourrai l’étouffer, elle le sait. Elle s’abandonne à la force de mes bras, lumière fragile sous mes ténèbres. Châle d’ombre, je l’enveloppe, mais la lumière ne faiblit pas, elle clignote comme un petit cœur de grenouille, qui bat. La vie n’est elle qu’un éternel combat entre l’ombre et la lumière ? Le jour décroît. La fraîcheur vespérale se répand comme un souffle. Nous rentrons. Nalvenn me raccompagne jusqu’à mon immeuble et me conseille de ne pas rester seul. Je ne répons rien, emmuré dans un silence. Nalvenn réprime un imperceptible sanglot, mais un sourire lui redonne de l’éclat. « Je devais partir quelques jours avec Sébastien, me glisse-t-elle, à Paris. Tu veux venir avec nous ? »
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