Fragment #36 - Au cœur du mensonge

Mardi 28 novembre 2006
à Saint Avertin

« Il a peut-être raconté n’importe quoi, si ça se trouve il n’habite pas là. Ça m’étonnerait même pas de lui. »
Qu’en sais-tu donc, Jeanne, suis-je vraiment de ce genre là ? Bien sûr, je le suis, mais comment le sais-tu ? Je regarde Jérôme qui sourit, et dit que, non, je ne suis pas si méchant, que comme le dit si gentiment Marie, je dois juste être un peu coincé, mal dans ma peau. C’est déjà un bon geste que je les ai invité. Alexandre sonne de nouveau, reste appuyé quelques secondes sur le bouton de la sonnette. Cette fois-ci j’ouvre la fenêtre, laissant une bourrasque de pluie s’introduire dans ma chambre :
« Hey !... Salut, je viens vous ouvrir. »
Marie n’a pas le temps de finir le petit signe amical qu’elle a amorcé, que déjà j’ai refermé la fenêtre. Je reste quelques instants à les écouter via l’interphone.
« N’empêche, quelle baraque ! Ses parents doivent être super friqués !
- Carrément, répond Marie. Il m’a parlé un peu d’eux, son père est un ingénieur super qualifié, et sa mère est PDG d’une entreprise, je sais plus laquelle. En contrepartie, il paraît qu’ils sont pas souvent là. »
Je n’écoute pas la suite, je la connais. Je descends les escaliers, et sors par la grande porte de devant pour aller les accueillir. Derrière les grilles du portail, ils ne parviennent pas à cacher leurs regards admiratifs pour ma maison. C’est vrai qu’elle en jette. Elle détonne d’ailleurs un petit peu par rapport au reste du quartier, mais bon. Je m’en fous, pour ma part. Je me crée un sourire timide en arrivant près d’eux.
« Entrez, entrez… »
J’écarte le montant gauche pour les laisser passer. La voiture d’Alexandre est garée devant le muret, vieille et décrépie. Je les conduis dans le salon, sans une parole échangée. Là aussi, ils paraissent impressionnés par l’aspect austère et un peu grandiose de l’endroit ; des surfaces grises, des formes modernes, des lampes dissimulées un peu partout, donnent à l’endroit un aspect étrange, oscillant entre l’antique et le futuriste. Mon père a des goûts peu habituels, mais plutôt classes.
« Ouah… c’est un truc de fou, ta maison, Léo… »
Je ne peux retenir une petite grimace quand j’entends ce surnom dans la bouche de Jérôme, mais il ne le remarque pas. Marie, elle, le voit, mais sans doute a-t-elle déjà inventé une raison parfaite à cette grimace, raison dans laquelle je serai la pauvre victime qu’il faut ménager, et Jérôme le fautif qui ne pense vraiment pas à y aller doucement. D’ailleurs, elle lance :
« Mais très chouette, hein ! Elle est belle…
- Merci, » dis-je en rougissant, chose à laquelle je me suis entraîné.
Ils sortent leurs sacs, et commencent à étaler sur la table les feuilles de cours et d’exercices, ainsi que le DM qui m’a donné une excuse pour les inviter, sous les conseils de Marie, que j’avais à peine guidée afin qu’elle me soumette l’idée d’organiser cette réunion. Quelle bonne idée chère amie, vraiment, pour me rapprocher des autres !
Et maintenant, travailler pour eux, puisqu’il est clair que nous n’avons pas le même rythme...