Fragment #41 - Marie

« Tu es beau.
- Tu es belle. »
Cela ne me coûte même pas de dire ça. Dans la lumière diffuse que la bougie laisser couler sur nous, elle est belle. Son désir suinte presque de son corps, ses yeux brillent d’intelligence et d’amour. Je m’arrête une seconde, presque effrayé de ce qui se passe. Je me contrôle habituellement totalement, or en l’instant présent, j’ai l’impression d’être sous l’emprise de l’ambiance étrange qui règne, et d’en arriver à apprécier cette fille qui me sourit, elle que je détestais il y a dix minutes encore.
Et puis je continue. Ce n’en est finalement que plus intéressant. Je note mentalement chacune de mes pensées, je tente de retenir chaque image qui passe derrière et devant mes yeux. J’avance d’un air félin, posant les mains de chaque côté des jambes de Marie, remontant doucement vers elle. Mon souffle s’accélère. Malgré tout, malgré l’Expérience, je n’aime pas ça. Je n’aime pas vivre ceci avec autant d’intensité, ce n’est pas ainsi qu’on mène une étude. Je m’approche encore. Mes lèvres se posent sur les siennes. Premier baiser. De ma vie entière. Tourbillon dans ma tête. Je ne comprends pas, pourquoi je ne contrôle plus rien ? J’ai envie de me jeter en arrière, de la pousser contre le mur, de sortir de l’immeuble, courir dans la rue glaciale, crier. J’ai envie de l’embrasser. Je crois que je tremble. Je crois que Marie ne se contrôle plus vraiment non plus. Elle passe une main dans mes cheveux, et je me rends compte que ma langue est dans sa bouche, ou la sienne dans la mienne, je ne sais pas. C’est chaud, humide, doux, c’est agréable. Ca a un goût à la fois immanquable et peu prononcé. Indéfinissable. Les mots me manquent. Je n’arrive pas à me concentrer, je suis incapable de décrire ce qui m’arrive. Je ne sais pas si j’arriverai à m’en rappeler. Je suis mal, j’ai chaud, je suis bien, je me suis encore rapproché, je tiens sa tête entre mes mains, et je l’embrasse.
Je n’aurais jamais pensé que c’était ainsi. Je croyais qu’ils faisaient semblant, tous. Que c’était un code. Baiser = bonheur. Non.
Je suis torse nu. Je me rappelle avoir levé les bras tandis qu’elle essayait de me retirer mon polo. Je n’ai pas opposé de résistance. Elle embrasse mon torse, me caresse le dos. Je lui baise les cheveux, joue avec, toujours tremblant. Marie.
Un frisson m’agite tandis que je me rends compte de ce que je fais. Je me dégoûte. Ce contact me dégoûte, sa bouche contre mon sein, ses cheveux dans mes doigts. Je ferme les yeux, tente d’oublier la tendre pulpe qui se presse contre mon téton. Je n’aime pas. Je n’aime pas. Je dois continuer. Je n’aurais pas du quitter l’ambiance. Marie. Marie.
Elle me regarde. Je crois qu’elle m’aime. Je n’ose pas l’observer aussi, de peur qu’elle lise mon aversion dans mes yeux. Marie. Elle touche aux boutons de mon pantalon. Je marmonne quelque chose d’indistinct, et m’assoit à côté d’elle. J’ai envie de lui toucher les seins. Je ne veux plus la toucher. Je veux être à des kilomètres d’ici. Elle m’embrasse à nouveau, et j’ai envie de vomir. Je me recule un peu. Je passe une main dans son dos, l’allonge à côté de moi. Je m’installe aussi, serré contre elle. Voilà. C’est tout. Rien de plus. Dormir. Dors. Dors, Marie. Arrête de me toucher. Elle me caresse le ventre, je lui tourne le dos. Ses doigts jouent dans mon nombril. J’aime ça. Je m’endors, perdu dans la confusion.