Fragment #85 - Poitiers

La pluie frappe contre les carreaux, offrant un bruit de fond aux conversations des adultes dans la pièce d'à côté. J'aurais aimé que nous allions visiter la cathédrale, que nous n'avons pu qu'apercevoir de loin en arrivant. Majestueuse, imposante, bien que par là-même moins effilée que celle de Tours. Un magnifique monument malgré cela. De manière générale, j'aime voir de tels bâtiments de près. M'avancer doucement vers eux, écrasé par leur toute-puissante grandeur, comme si leur ombre en me recouvrant m'englobait en elle et me permettait d'en devenir une partie. Mais la pluie contrecarre quelque peu nos plans de visite. Je reste simplement allongé sur le lit, le regard fixé sur le plafond, l'esprit dérivant lentement sur une mer à peine ridée par la pluie et les conversations.
La ville de Poitiers est curieuse, très nivelée. Du bon endroit, on peut observer la ville entière, qui à l'horizon se mêle à l'étendue grise des nuages. Il y a peu de gens dans les rues, et celles-ci sont plus étroites qu'à Tours. La ville est plus végétale et calme, vivant avec douceur au rythme de feuilles qui oscillent au gré du vent.
Thibault entre dans la pièce.
« Léo ? Tu as faim ? »
Je me tourne vers lui, observe quelques secondes son visage neutre. Il est très laid.
« Gageons que oui.
- D'accord, on ne va pas tarder à déjeuner alors. Tu n'as rien contre la terrine d'asperges ?
- Ca devrait m'aller.
- Très bien. On t'appelle dans cinq minutes. »
Je ne réponds rien, si bien qu'il finit par refermer la porte. Mon attention revient au plafond. Un support à la pensée, un point de convergence pour reposer les yeux tandis que l'esprit se concentre sur autre chose. C'est parfait.
« Léo ? »