Alsciaukat
| Sujet: Fragment #108 - Un clan ? Le destin ? Inventions humaines... 13.04.08 17:43 | |
| Dimanche 16 septembre 2007 à Dijon « D-Déborah ? Tu es le cousin de Déborah ? » Je regarde Julian, stupéfait. Comment connaît-il Déborah ? Comment a-t-il pu deviner que je suis allé la voir elle ? M'aurait-il suivi ? Impossible, il ne savait pas que je venais à Dijon... moi-même, je ne pensais plus à lui en venant... A côté, Léa aussi est étonnée. Je crois qu'elle le trouve beau et qu'il l'intrigue. Il est beau et intriguant, en effet. Mais je ne suis pas jaloux. « Tu connais Déborah ?! » Elle est surprise, peut-être plus que tout ce que j'avais pu voir d'elle auparavant. Mais Julian n'a pas l'air d'avoir l'intention de lui répondre. J'acquiesce à sa question. Je l'observe, dans le silence qui s'est provisoirement installé entre nous. Il a des yeux étonnants. Un torrent de lave s'y agite en permanence, afflue, se mélange et se tord, brûle tout sur son passage. Et puis soudain, ce torrent reflue en arrière-plan, et une étrange mosaïque de couleurs semble prendre sa place, indéchiffrable, avec une importante nuance de bleu glacé. Je n'arrive pas à saisir toutes les images que je vois se refléter dans ce patchwork inhabituel. Finalement il reprend la parole pour répondre à Léa, mais continue de me fixer, comme si elle n'existait pas. Je n'aime pas vraiment ça. « Pas vraiment. C'est compliqué. Disons que nous sommes liés. Elle, moi, toi, et d'autres. C'est Nathan qui l'a dit, ça n'est pas une coïncidence. Vous n'avez pas pu trouver le Dionysos par hasard, il y a plein de bars à Dijon. Pourquoi ici ? Pourquoi le bar où je travaille ? C'est le Destin, il fallait qu'on se rencontre. » Il débloque. Nous n'avions pas assez parlé pour que je l'imagine ainsi... Je jette un regard d'excuse à Léa, parce que nous devions passer une belle fin de soirée ici. La promenade était bien, et j'espérais que ce bar serait bien, mais Julian est effrayant. « On est pas venu ici par hasard, c'est une fille enceinte qui nous a indiqué ce bar à l'hôpital. » Lola, la belle Lola qui rendait visite à Déborah. « Une fille enceinte ? Lola ?! » Cette fois-ci c'est trop étrange. Léa aussi est interloquée. Dijon est donc si petit que tout le monde connaît tout le monde ? C'est impossible ! « ...tu la connais ?! - Tu l'as dit toi même, vous n'êtes pas là par hasard. Tout est lié, et Lola aussi. C'est mon ex. Le bébé est de moi. Bref. Nathan est parti à Dakar, on doit se débrouiller sans lui maintenant pour comprendre. » Mais comprendre quoi, Julian ?... Il reprend : « On a commencé à former une sorte de "Clan". Lola, moi, et puis Jed et Alexandre, et Déborah est comme nous, j'en suis sûr. Ça te dirait d'en faire partie ? » Que veut-il que je lui réponde, bon sang ? Je voudrais partir, mais je ne veux pas brusquer Léa, et je ne veux pas non plus qu'elle reste ici... J'aurais voulu discuter avec toi, Julian, percer la folie qui dessine sa mosaïque en ton oeil, mais pas avec Léa, je dois la préserver de telles choses. Elle est mon complémentaire, elle me transforme à son contact, et j'aime ça. Je ne veux pas que ce soit l'inverse. « Jed ? Alexandre ? Qu'est-ce que c'est que ce clan ?... » Il a l'air tellement sûr de lui, tellement enflammé par son discours. A l'autre table, des jeunes nous regardent avec curiosité et impatience. « Ben, on est relié, c'est comme ça. On a pas le choix au fond, c'est le destin. Ensemble, on essaye d'aider les autres comme on peut. On en a le pouvoir, non ? Alors on est responsable. » Aider les autres ?... « Ça t'intéresse ? poursuit-il. » Aider les autres... est-ce qu'aider les autres m'intéresse ? Je veux aider Léa. Elle semble s'être renfermée sur elle-même, attendant simplement que cette conversation finisse. Pour toi Léa, dois-je aider les autres ? Et puis mince, j'entre dans sa folie, c'est n'importe quoi ! « Ça tient pas la route, ton histoire... le destin, c'est juste un truc inventé par les humains pour combler leur incapacité à assumer leurs actes. » Son regard devient opaque, couvert d'un givre qui me rappelle celui qui formait une coque autour de mon coeur après ma rupture avec Marie. Son ton est glacial. « Écoute, je t'oblige à rien. Si tu veux, tu peux nous rejoindre, sinon tant pis, on se débrouillera sans toi pour retrouver les autres et faire ce qu'on a à faire. De toute façon, tu as mon MSN. » Il lève la tête et voit un homme à l'air mécontent entrer. Il se lève, me jette un dernier regard et s'éloigne, tandis qu'à la table à côté, les jeunes de tout à l'heure commencent à s'agiter. Je regarde ma monte. Il est minuit trente-deux. Je me tourne vers Léa, un sourire d'excuse sur le visage, l'air un peu pataud sans doute. La musique du Dionysos se calme un peu. « On y va, Léa ? » Elle sourit enfin, désolée de me voir ainsi. « On y va. » | |
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