Alsciaukat
| Sujet: Fragment #135 – Colère et surprise 13.04.08 18:20 | |
| Lundi 10 mars 2008 à Joué-lès-Tours Regard noir. Je suis en colère. Je ne sais pas pourquoi. Mais je m'en rends d'autant plus compte en contemplant le reflet ulcéré que me renvoie le miroir. Peut-être à cause de ce DS raté. Peut-être à cause de la fatigue. Ou encore à cause de cette stupide population humaine. Ou à cause de tout cela à la fois. Bon sang, pourquoi les gens sont-ils ainsi ? Pourquoi est-ce que je me suis retrouvé sans savoir rien faire devant l'énoncé du devoir de maths ? Et pourquoi est-ce que je continue d'être énervé alors que tout cela est passé et fini ?... Diaseptyl. Coton-tige. Je pulvérise un peu du liquide sur l'extrémité cotonneuse, puis m'approche encore du miroir pour appliquer la solution autour de mon piercing. Il grattait un peu au début, mais maintenant ça va mieux. Pas d'infection, j'ai suivi le traitement à la lettre. Léa l'aime toujours autant. Malgré la colère qui sourde, je sens un sourire me gagner. J'adore toucher ce petit bout de métal, simplement pour savoir que Léa est là, quelque part, pas vraiment loin, et que peut-être elle pense à moi en même temps que je pense à elle. Le réconfort se loge là où il le peut. Je me recule, satisfait, et jette le coton-tige usagé dans la petite corbeille de la salle de bain. Tout ne va pas si mal, après tout. Ou du moins, tout ce qui se passe dans cette maison va bien. Léa va bien, Jérôme va bien. Christelle est malade, mais ça va probablement bientôt passer. Léa a de bonnes notes en cours, elle travaille sérieusement, sans doute plus que moi. Nous songeons même à acheter un chien ou un chat, histoire de. Comme ça, la prochaine fois qu'on ira se balader à Amboise, on sera une famille complète. Mais dans ma tête, il y a ce tourbillon. Je ressens presque continuellement l'envie d'écrire, mais plus rien ne me vient. Ou alors, j'écris un vers, un deuxième, et je m'arrête ainsi, incapable d'aller plus loin. Et je ne sais pas pourquoi... Peut-être est-ce cela aussi qui participe à ma colère, bien qu'elle soit maintenant en partie évaporée. A trop garder les choses en soi, on en finit par éclater. Je n'en suis pas là, du moins je l'espère, mais ça pourrait ressembler à quelque chose comme ça... Au moins je n'écris plus la nuit sans me réveiller ! Je descends, on ne va pas tarder à manger. Léa est assise devant la télévision, à côté de Christelle, et derrière eux, à la table du salon, Jérôme lit des papiers. Le volume est un peu fort, mais je m'installe à côté de Léa, mon bras frôlant son épaule. Elle se tourne brièvement vers moi, le temps de me sourire et de lancer un regard pointu à mon piercing pour vérifier qu'il est bien propre. Ce sont les informations. Tout cela m'intéresse si peu... Heureusement, une sonnerie retentit dans la cuisine, et Christelle se lève. « Allez, à table. Tu es prêt pour manger, Jérôme ? - J'arrive dans dix-sept secondes, répond-il en restant concentré sur ses papiers. Je me lève, et suivi de Léa, me dirige vers la cuisine. Ensemble, nous mettons le couvert tandis que Christelle sort le plat du four, une flammekueche, et la pose sur la table. Jérôme arrive rapidement et nous commençons à manger. L'appétit me vient vite, si bien que j'engloutis tout ce qui passe à ma portée. Et comme souvent, je repense à cette période de ma vie, la période pré-Léa, où jamais personne n'aurait pu ne serait-ce que m'imaginer m'empiffrer ainsi. Mais les choses ont changé. En bien. Je crois.
Le repas passe sans qu'on s'en aperçoive, et finalement je sors des yaourts pour ceux qui en souhaitent. Dehors, le ciel est noir. « On a quelque chose à vous dire, annonce Christelle sans préavis, d'un ton solennel. » Je regarde Jérôme, qui la regarde avec un mélange de sérieux et de tendresse. D'accord. Je vois. Mince. Léa aussi a deviné, je crois. « Je suis enceinte. » | |
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