Bételgeuse
| Sujet: Fragment #53 - Chocolat chaud 13.04.08 18:54 | |
| Mercredi 20 septembre 2006 à Dijon Un long couloir blanc. Lumière aveuglante. Parfum aseptisé qui essaie de cacher l’odeur âcre de la maladie. Un vrombissement autour de moi ; des voix. « Laissez-nous faire notre travail, Madame. Vous ne pouvez plus rien pour elle. » Protestations. Mama… ne les laisse pas… Des larmes silencieuses coulent de mes yeux clos ; des larmes de sang coulent de mes poignets. « Sylvia ! » Mon cœur bondit en même temps que mon esprit. « Sylvia, c’est Charlotte, ouvre-moi ! » Ce qui sort de mes cordes vocales n’est qu’un raclement aigre. Elle continue, trois coups. Je voudrais articuler un « C’est ouvert ! » plein d’entrain, mais je n’y arrive pas, je me contente de ce râle bancal. Faites qu’elle m’entende… Je n’entend pas la poignée déclencher l’ouverture de la porte, mais déjà sa voix est moins lointaine. « Sylvia, tu m’entend ? » Elle presse sa main contre la mienne. « Serre ma main si tu m’entend. » Je voudrais bien, ma belle, mais dis-moi comment reprendre possession de ce corps. La panique envahit sa voix qui se fait tremblante. Si seulement je pouvais ouvrir ces foutus yeux fondus de plomb. Elle se penche vers mon nez, d’où s’échappe un souffle irrégulier. Je suis là, Carlotta, je suis là… Je concentre toutes mes forces dans mes paupières, soulevez-vous, putain… Lumière aveuglante. Dans le lit voisin, une fille tellement maigre qu’elle se perd dans les draps. Branchée à des tuyaux, les mêmes que les miens. Le soleil pénètre dans mes pupilles, je ne vois plus rien. Elle semble soulagée. « Je savais bien que quelque chose n’allait pas… » J’ai fait la mise au point, je tourne la tête lentement, et je peux la voir, ses cheveux violet profond, et son sourire rassurant. « Je reviens, t’as du chocolat quelque part ? » Je ferme les yeux en guise d’approbation. Je n’ai que ça, du chocolat noir. Bruits de placards qu’on ouvre et ferme. La tablette est sur la table. Bientôt elle revient. « Je vais essayer de te redresser, ok ? » Son corps collé contre le mien, alors qu’elle pose mon buste contre le mur. Je sais qu’elle sent que je frissonne, je sais qu’elle a remarqué que mes mains étaient glacées et presque bleues. « Et merde ! » Elle me cale avec des coussins, et repart. Je la sens s’activer, mais j’ai refermé les yeux. « Bon, ma belle, tu vas devoir faire un effort pour avaler ça…je ne peux pas le faire pour toi » Elle colle à mes lèvres ce qui semble être un bol, mes narines se délient à l’odeur du chocolat chaud. Où a-t-elle trouvé du lait ? Le liquide entre dans ma bouche, mais ma gorge est bloquée. « S’il te plaît, Sylvia… » Je me souviens, et avale la gorgée. Je ne sais combien de temps je met, mais je finis le bol. « Depuis combien de temps tu n’as rien mangé, Sylvia ? Tu veux qu’on t’emmène à l’hôpital, ou quoi ?! » Une larme coule sur ma joue. Je ne veux pas y retourner. Je veux juste le revoir… | |
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