Bételgeuse
| Sujet: Fragment #65 - Vendredi Treize 13.04.08 19:11 | |
| Vendredi 13 octobre 2006 à Dijon Il ne faut pas que j’y pense. Surtout pas. Mon stylo bat nerveusement la table, ce qui me vaut les regards agacés d’une partie de la classe. Arrêtez, putain, arrêtez de me regarder comme ça. Comme si ça ne me suffisait pas… Le nœud dans ma gorge grandit de plus en plus, bientôt il m’empêchera de respirer. Pourquoi, mais pourquoi suis-je sortie de mon lit ? C’était évident que je n’allais pas supporter le vendredi 13. Merde, ça y est, j’y pense. Du calme, Sylvia, autre chose, trouve autre chose. Ta soirée chez Romain, par exemple. Oui c’était cool, mais là, Romain il est en cours de Lettres, et moi j’angoisse toute seule pendant mon « initiation aux sciences sociales ». J’ai chaud. Je sens presque des gouttes de sueur sur mon front. Je n’arrive plus à respirer par le nez. Il faut que je sorte d’ici. Je me lève. Ceux qui étaient encore tournés vers me prof me fixent, ébahis. Le prof doit croire que je veux poser une question. « Mademoiselle ? ». J’attrape mon sac, me remets en mouvement, et sors presque en courant. De l’air, enfin ! Je prends le temps d’inspirer quelques bouffées polluées, puis me dirige vers l’arrêt de bus. Il faut que je me recouche. Je ne veux pas voir passer cette journée. Oui, ok, on est en plein après-midi, mais ce matin, je n’ai pas pu aller en cours, je dormais. Le bus arrive enfin, je monte. Je me met debout, comme d’habitude, mais je suis obligée de me coller presque au siège qui est à côté de moi, il y a trop de monde. Assis, un vieux, enfin la cinquantaine, je dirais, le visage rougeaud et grossièrement taillé, il doit avoir le nez bouché, il respire par la bouche, et l’idée que son souffle puisse arriver à moi me donne envie de vomir. Il reluque mon décolleté. Dégage tes yeux de mes seins, connard ! Je ne vais pas supporter ça longtemps. Je descends à l’arrêt suivant, tant pis, je vais marcher. J’entends vaguement qu’un clochard m’adresse la parole, je suppose qu’il n’a plus l’habitude de voir des seins. Pauvre con. Mes pas se pressent, je veux mon lit, dormir, ne plus penser. Elle est en larme. Ma petite mère-courage est effondrée sur le sol alors que je rentre du lycée. Je n’ose pas lui dire que j’ai été collée et que j’ai raté mon interro de maths. Elle semble vouloir s’assécher, se vider de toute l’eau que contient son corps. A la main, elle tient un petit bout de papier. Ce n’est que plus tard que j’allais comprendre… Quel salaud ! Je m’allume une clope. La nicotine ne fait plus aucun effet, mais retrouver ce geste familier m’apaise. J’arrive enfin chez moi, balance mon sac, m’effondre sur le lit. Je ne sais même plus quel jour on est. Jeudi ou vendredi ? Vendredi 13… Coup d’œil à mon armoire à alcool. Allez, juste un peu, pour dormir et ne plus penser… | |
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