Bételgeuse
| Sujet: Fragment #125 - La pomme et le serpent 13.04.08 20:35 | |
| Jeudi 2 août 2007 à Dijon Alors que mes doigts caressent les touches, mes yeux s'enroulent autour de ces dix chiffres anonymes. Sur le moment, j'ai senti qu'il ne fallait pas répondre ; et depuis, chaque jour j'hésite à rappeler. Qui dissimulez-vous, minuscules êtres de pixels qui prenez vie à mesure que vous m'hypnotisez ? Un client, encore, sûrement. Pourtant, quelque chose, au fond, loin entre mes entrailles, me murmure que ce n'est pas ça. Et comme une aiguille plantée sur mon sein gauche. Je retire mon débardeur ; tout autour de mes sept grains de beauté, un afflux de sang rougit ma peau. Tiens, ça faisait longtemps. Et ça n'a jamais été aussi écarlate, on dirait presque que l'épiderme va craquer, et laisser se déverser le sang empoisonné. D'un coup sec, je referme mon portable. Assez rêvassé, j'ai rendez-vous. Le soleil tape sans ménagement sur mes veines qui palpitent ; sur mes épaules découvertes, les boucles épaisses sont rivière de feu. A l'intérieur, il rampe. Il a du mordre mon estomac, une envie de vomir roule jusqu'à ma gorge. Le flot rouge du sang jaillit du cou de l'homme. Le sang de l'homme a envahit ma bouche... Une perle de sueur glisse de mon front. J'ai chaud ; pire, j'étouffe. Un voile gris est tombé sur mes yeux, je m'arrête, les rumeurs de la ville ne sont plus que chuchotement indistinct. Mes organes se resserrent dans mon ventre ; de plus en plus je deviens aveugle. Je suis dans le désert. Le sable chaud blesse mes pieds comme des éclats de verre. Une statue gigantesque, un magnifique aigle d'or, me regarde m'approcher. Recroquevillée dans sa serre, une silhouette fragile. Une cascade de cheveux roux. Je sais déjà que je ne respire plus. Alors, le sable devient mousse et racines, herbes folles et plantes étranges. Les lianes qui pendent du ciel caressent mon dos, elles se balancent en s'enroulant. Et je sens sa respiration sur mes vertèbres, et tout mon corps frémit. La liane devenue reptile remonte jusqu'à mon cou en m'enserrant et me siffle « Souviens-toi ! ». Le serpent est porteur du poison. Il vibre contre ma chair. Mes dents s'enfoncent dans les écailles, et un sang brunâtre jaillit contre mon palais. Il se tord de douleur, relâche son étreinte, retombe lourdement sur le sol. En boule, il roule jusqu'à ce qu'un arbre arrête sa chute. Et là, le serpent est devenu une pomme dont la peau rutilante a été déchirée par des crocs animaux. | |
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