Fragment #2 - 9000 pieds

« Mesdames et Messieurs, dans quelques instants nous allons entamer notre descente en direction de l’aéroport Roissy Charles de Gaules, veuillez rejoindre vos places, attacher votre ceinture et arrêter de fumer. »
Et merde ! Je viens d’allumer mon cigare. Un cadeau de ma grand-mère maternelle qui date de la dernière fois où je l’ai vu, il y a… une éternité. Pas le genre que je fume quotidiennement mais bordel, ce n’est pas tous les jours non plus qu’on vous offre du champagne en classe affaire. Y aurait peut être moyen de négocier avec la blondinette menue qui glousse tout le temps. Manque de bol, c’est la grande brune qui remarque l’objet du délit en premier et qui me dévisage sévèrement. C’est bon, c’est bon, je l’éteins. Une dernière taffe fissa pendant qu’elle regarde ailleurs et hop, direction le cendrier. Rageant.
Le voyage s’est bien passé, on nous a servi de la merde en barquette pour riche qu’on a mangé avec des couverts à usage unique, du champagne qu’on a bu dans des godets en plastiques à usage unique et une kyrielle de petits objets promotionnels échantillonaires, tous à usage unique. Le summum, c’est qu’aucun ami à usage unique n’est venu me briser les burnes pendant que je feuilletais le double numéro été spécial sexe des Inrock’ que j’ai miraculeusement réussi à trouver à l’aéroport de Pragues. Pour un peu, on pourrait presque dire que c’était agréable…
« Vous allez où ? »
Et merde, un type en mode SOS amitié, vite, jouer le coup du mec qui parle pas ta langue.
« Que ?
- Vous allez où ?
- No entiendo su pregunta. No hablo frances. »
Il hausse les épaules et retourne à son Paris Match. Et un casse couille de moins, un. L’avion s’incline légèrement en avant, un peu trop brutalement. Les passagers sursautent et ma main vient se poser sur la croix en argent suspendue à mon coup. Un souvenir de ma communion. Peut être la dernière chose qui m’unit encore à la très Sainte Eglise Catholique Chrétienne de Rome. Dieu est mort depuis des années dans mon cœur et pourtant j’arrive plus facilement à flamber mon budget d’un mois en quelques soirées qu’à me débarrasser de ce pendentif. Faut croire que je suis un grand sentimental, en définitive.
J’en suis là de mes réflexions quand les roues se posent sur le tarmac, faisant tanguer l’appareil. L’horizon apparaît dans le hublot, et le soleil aussi. Il a l’air de faire beau. Je remets mes lunettes de soleil et le casque de mon lecteur – MP3.