Fragment #8 - Nu

Nu. Devant mon miroir. Vapeurs de l’eau chaude. Regard plein de questions pour mon image. Qui es-tu ? Le sang sur le front, qui t’a fait ça ? Mon esprit vient de naître. Mon corps a déjà vécu. Que sais tu ? Bâton d’encens. Mousse blanche que je gonfle sur ma peau. Le rasoir. Doucement, les lames glissent. Sensation douce. Mousse qui s’en va chargée d’une multitude de traits noirs. Des petits insectes plongent dans le néant. Combien sont déjà partis ? Eau froide qui lave les traces de la bataille. Lame qui revient. Exécuter quelques bataillons survivants. Il ne reste rien. Une peau d’enfant. Une distance en moins. Entre moi et toi. Crème blanche, froide, douce. Une larme sur ta joue. Ne pleure pas. Solitude extrême de la salle de bain. Dalles embuées. Seul avec toi. Je t’aime. Ma main sur ta main. Imite mes gestes. Lent. Mes lèvres sur tes lèvres. De glace. Je t’aime. Une autre larme sur ta joue. Pourquoi ? Pour moi ? Non … Je ne peux toucher que ta main. Si froide. Si plate. Rien d’autre que ta main. T’aider à sécher la larme. Suivre mon exemple seulement. Coller mon corps au tien. Oublier le froid de ta peau. Sentir ton odeur de l’autre côté de la glace. Envie de toi. Je t’aime. Distance insupportable du mur invisible. Je dois tout faire seul ? Donne toi mon plaisir. Apprends moi ton désir. La main sur ton sexe. Symétrique au mien. Va et vien. Chaleurs douces. Une larme. Tu n’es pas seul. Tu es avec moi. Fais moi confiance…Tu es beau. Explosion.

Ne me regarde pas. Qu’est-ce que tu veux ? Je ne t’aime plus après l’amour. Ne reste pas face à moi. Envie de te détruire. Tu restes là ? Envie de te changer. Poudre mat sur un coton. Essuyer tes cernes. Relever tes pommettes. Odeur douce. Peau nette. Crayon noir. Regard profond. Flacon de liquide rouge. Pour mes ongles. Odeur immonde. Ça sèche. Epaissir les lèvres. Lipstick. Corps d’enfant. Elargir tes hanches. Gonfler le buste. Vêtements de soirée. Fourrure. Bijoux. Plus de poitrine. Objets de la boite. L’un après l’autre. Te changer. Tu es belle. Une boite chinoise. Des restes de cannabis. Une feuille. Fumée lourde. Ajuster tes cheveux. Le diable dans les détails. Une bosse entre tes jambes. Les talons aiguilles. Allure aérienne. Sensation de beauté. De puissance. Regard qui descend. Femme qui domine. Entourée de ta fumée. Tu es bonne. Salope. Flotter dans mes cieux. Une cravache. Entre mes dents. Ils vont le sentir. Mon secret de femme. Ce soir je sais qui je suis. Menottes. Dans mon sac. Manteau. En arrière des épaules. Parfums.

Prête à sortir. A la porte. Retourner dans la boite du premier soir. Comprendre enfin. J’ai mon identité ce soir. La magie retombe à la porte. Affronter l’extérieur. Comme ça. Il y a un risque. La rue. Ma clef. Ouvrir ou non. Protection de cette porte. Frustration de l’enfermement. Apprendre quelque chose ? Rester en sécurité ? Le cœur qui va. Sortir de l’inconscience. La clef dans le trou. Bruit qui m’arrête le cœur. Un monstre de l’autre côté. Prends ta respiration. Entrouverte. Le vide. Obscurité du couloir. Refermer la porte. Un pas. Une marche. Descendre. Doucement. Contrôler l’équilibre. Un pas. Envie de m’accroupir. Non. Un pas. La rampe. Contrôler. Un étage. Plus bas encore. Rez-de-chaussée. Escalier qui descend encore vers la cave. Moi la rue. Lumière rouge remonte de la cave. Sortir. Des pas. Sortir vite. Un pas vers la sortie. Une personne derrière moi. Silence. Immobilité de l’instant. Regard furtif, arrière. La vieille. Elle fume un mégot. Sourires. Regard droit.

- Bonne soirée ma belle.

Signe de tête.

- Il y a des rats dans la cave.

Je sors.