Fragment #19 - Montée de stress

Demain, direction Paris, l'aéroport, puis l'Afrique. Je suis un peu angoissé par tout ça, parce que j'ai jamais quitté la France de toute ma vie. J'aime la Bourgogne. J'aime la Côte d'Or. J'aime Dijon. Nos plaines, nos combes, nos vignes.
L'idée de voler dans les airs, de quitter mon pays et l'Europe, de changer de continent, ça me fout une trouille pas possible. Lulla a dû le sentir, parce qu'elle me regarde avec inquiétude.
"Chef, les bagages sont faits ?
- Pas encore, je m'en occupe ce soir."
Elle me lance un regard sévère.
"C'est pas sérieux ça, chef.
- Je sais, je sais. Je fais comme je peux Lulla.
- Moi je disais ça comme ça.
- Ouais, c'est gentil. Tu prendras soin de Léonie hein ?
- Bien sûr que oui.
- Parce que mine de rien, elle fait la forte tête, mais elle y connaît rien, à la gestion d'un bar.
- Le retour est prévu pour quand ?
- J'en ai aucune idée."
Et c'est bien ça, le problème. Mais même si mon père a jamais vraiment été un modèle, je peux pas le laisser mourir tout seul à l'autre bout du monde sous prétexte que je dois m'occuper de mon bar. Sacré Charly. Il fallait qu'il aille jusqu'au Sénégal pour nous faire un cancer foudroyant. On a pas idée d'être aussi original, quand même. Il pouvait pas se contenter de son petit boulot d'antiquaire à Paris, non. Mon père et sa folie des grandeurs… J'espère que le ptiot Dimitri aura pas hérité ça de lui. Mon père est mourant, ma mère déjà morte, ma femme refait sa vie ailleurs, ma fille me parle plus, ma sœur non plus, mon neveu est à l'armée, et son frère dans un hôpital psychiatrique.
Voilà la famille Malvo dans toute sa splendeur.