Fragment #10 - Nouvelle mission

En entrant à la boutique, ce matin, je trouve sous ma porte un mot de l'Enfer. Je suis convoquée dans le bureau de Rozia pour une raison qui n'est pas précisée. Mes sourcils se froncent d'eux-mêmes. Je n'aime pas ça. Le nouveau Rozia ne m'inspire pas du tout confiance, et je ne supporte pas le fait de ne pas savoir ce qu'on me veut. Ok, je devais m'y attendre en acceptant ce job, mais depuis que le Rozia précédent a été réduit en compote par un cinglé, les choses s'emballent un peu trop à mon goût dans le QG de l'Enfer.
Inutile de les faire attendre plus longtemps. Je referme le magasin et prend la direction de Bercy.

On m'invite à entrer dans le bureau. Claire de Saint-Simon est là, fidèle au poste. Elle est le bras droit de Marc Rozia, son pantin le plus dévoué. C'est elle qui l'assiste et organise toutes les opérations. Elle aime faire croire à ses associés qu'elle entretient une relation unique avec chacun d'eux, et si j'étais naïve, je penserais qu'elle est ma meilleure amie en ce monde. Dommage, ma belle, je n'ai pas d'amis, et je ne crois pas à ces valeurs là. Les amis m'ont trop déçu par le passé pour que je leur accorde de l'estime à nouveau un jour.
« Bonjour ma chérie, me lance-t-elle en minaudant sur un ton faussement doucereux.
- Bonjour Claire, je réponds sèchement. »
Marc Rozia joue avec un stylo derrière son bureau. Il me toise en crispant les lèvres, ses sourcils soucieux ne formant plus qu'une barre au-dessus de ses yeux sombres. Je persiste à penser qu'il n'a pas la classe de son prédécesseur, et je lui prédis une fin des plus insignifiantes. Même sa voix est d'une banalité exaspérante.
« Nous avons pensé que peut-être vous vous ennuieriez dans votre boutique, lance-t-il.
- Ca dépend des jours, je réponds.
- Dans ce cas, estimez-vous heureuse que nous nous souciions de vos jours les plus ternes, ajoute-t-il avec un sourire satisfait. »
Je lance un regard interrogateur en direction de Claire, qui se contente de sourire en me fixant étrangement. Qu'est-ce que c'est que ce putain de bordel ?
« Nous avons une mission pour toi, explique Claire. Histoire de te donner un peu plus de responsabilités que tu n'en as déjà. »
Je crains le pire. Allez Maya, simule une assurance désinvolte. Pare tes prunelles de mépris et d'indifférence, détache-toi de la situation. Ils ne doivent pas sentir ton inquiétude, tes émotions, ton humanité. Tu es une déesse et tu condescends à t'entretenir avec des mortels. Ils doivent t'en être reconnaissants. Fais-le leur sentir comme il se doit.
« Je t'écoute, dis-je en soutenant son regard.
- Nous voulons que tu t'approches d'une fille et que tu te lies d'amitié avec elle. Nous avons besoin d'informations la concernant.
- Quel genre d'info ?
- Le plus possible. Nous voulons tout savoir sur elle pour effrayer quelqu'un qui, selon nous, la protège.
- Un Antiquaire ?
- Non. Bien pire que ça. Voici le dossier qui contient tout ce que nous savons sur la fille en question. »
Claire me tend une chemise contenant des papiers et des photos. De toute évidence, la mission a déjà été acceptée à ma place. Je jette un oeil au portrait de la fille. Elle a les cheveux noirs et je reconnais immédiatement ses yeux.
« Elle habite au 12 rue de la Folie Méricourt, dans le 11e. Elle s'appelle Laura Firent. »
Je sais, Claire. Je la connais déjà.