Altaïr
| Sujet: Fragment #260 - Souvenir d'une femme chocolat framboise 12.04.08 16:42 | |
| Jeudi 12 juillet 2007 à Dijon « Tu es l'ex de Jill, hein. » Laetitia crache la fumée de sa clope dans ma direction. Ses paupières enduites de noir et de reflets rouges battent avec férocité. Mes lèvres ne parviennent pas à remuer. « Je la connais. C'était ma meilleure amie, avant. Elle m'a parlé de toi plusieurs fois. Je m'en suis souvenue hier. - Tu... tu la vois encore ? - Non. On se voit plus du tout. Elle est devenue bizarre, après votre rupture d'ailleurs. Je sais pas ce que tu lui as fait mais ça l'a bien transformée. » La fille aux cheveux bleus... Comme dans... comme dans quoi déjà ? Oh oui, je t'ai changée, Jill, je t'ai altérée. Je suis ce monstre qui ravage les cœurs et ne laisse que des ruines sur son passage. « Mais t'inquiète pas Julian, j'ai pas peur de toi, moi, j'en ai connu des mecs, et il est pas né celui qui saura me faire du mal. Je suis blindée. » J'avale ma salive avec difficulté. Laetitia me fait peur. « J'ai pris nos billets pour samedi, dit-elle en sortant de son sac deux morceaux de papiers longs et rectangulaires, pour le poser sur la table de chevet. » Te souviens-tu, Jill, du chocolat framboise ? Et la lumière rouge qui dansait dans la nuit, sur la piste du Galways ? Nos corps emboîtés qui reproduisent le même schéma avec d'autres corps. C'est facile, la notice est la même. Moi dans toi, peu importe qui est le « toi ». Laetitia referme sa main autour de ma colonne de sang, et agite l'objet d'un mouvement régulier. Mon dos se cambre, mes doigts se crispent sur le matelas. Je ferme les yeux et je revois Jill et son corps si parfait, les cheveux blonds coulant jusqu'à ses épaules comme le miel. Le plaisir qui monte et m'enlace. Des lumières rouges qui dansent. Techno-tango endiablé. Le mouvement ralentit, c'est elle qui contrôle, ma respiration se saccade. Ses doigts compriment la peau chargée de sang, ça pourrait exploser et nous repeindre en rouge, mais ce sera une implosion de jouissance, et la nacre qui gicle, blanche comme l'écume, s'échoue sur mon torse imberbe. J'expire. Je me sens bien. « C'est quand même ridicule, la façon dont fonctionne votre sexe à vous les hommes, me dit Laetitia en se rallumant une clope. Vous êtes d'une telle faiblesse... » J'essaye de ne pas y penser, mais je me sens mal. D'une main, j'essuie à l'aide d'un mouchoir le sperme collé sur ma peau. De l'autre, je prends les billets de train, pour contempler, rêveur, les mots « Roma Termini » imprimés et chargés d'Italie. | |
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