Fragment #146 – Bagarre et œil au beurre noir

Outch. Je n’ai pas encore ouvert les yeux qu’une douleur fulgurante me traverse le crâne. Fuck. Un soleil gris traverse les fenêtres ; j’entends les rumeurs grondantes des conversations, le grésillement de la télé, l’ambiance est lourde, la descente d’après partying. Je m’assieds sur le bord du lit, essaies de me souvenir. On était dans ce club… Tout était flou d’alcool et de drogue. Il y a eu ce mec, qui m’a gonflée, allez savoir pourquoi. Et fuck, ça y est je sais. Je revois les videurs nous foutre dehors, son poing qui m’arrive dessus, la furie qui se déchaîne I’m gonna kill you, hear me ? Gonna kill you, ¡ hijo de puta ! Et les autres qui me retiennent Fuck you all, let me kill this fuckin’ bastard ! Ils ont du avoir du mal à me ramener jusqu’à chez Julia.
Je débarque dans le salon, où ils boivent des bières et du jus d’orange, fument clope sur clope et comatent devant la télé.
« Hey ! Look, here’s our hero ! » Deux-trois personnes applaudissent à la suite du beau brun.
« Outch. Does it hurts ? » Julia m’embrasse la tempe et me tend une bière.
« Poor girl. It is really ugly, me lance une très belle fille que je n’ai jamais vue et qui est en train de se faire tripoter sur le canapé.
- WHAT is really ugly ? » Je les regarde tous sans comprendre.
« Ohoh… » Le blondinet qui a sorti ça détourne les yeux genre ‘Attention, danger’.
« You didn’t see it ? » Putain en plus d’être conne, cette pétasse semble méchante.
« You’d better…hum… Go to the bathroom. » Je lis dans le regard de Julia qu’une mauvaise nouvelle m’attend. Je me dirige vers la salle de bain, mais au fond, je crois que je suis déjà au courant. Le Miroir me dévoile alors un énorme œil au beurre noir, ainsi qu’une cicatrice sanguinolente sur la tempe.
Je suis dévisagée, quoi.
Sans quitter mon reflet des yeux, où se pressent des larmes de rage, je cherche mon portable dans ma poche.
Puis je me ravise. Appeler Marco, encore ? Pour me plaindre de mes conneries, encore ? Merde, Sylvia, merde, t’es adulte, maintenant, depuis un bon moment, assume !
J’essuie mes larmes, ravale le désespoir qui me serre la gorge et qui me souffle « Tu es mannequin, chérie, et personne ne voudra d’un mannequin avec une gueule pareille. », retourne dans le salon. Ils attendent tous ma réaction, ils commencent à me connaître et se demandent sûrement quand l’explosion aura lieu.
Je m’écroule dans un fauteuil, ouvre une bière, m’allume une clope.
Vous ne verrez pas les vagues houleuses qui s’écrasent contre mon cœur.