Fragment #9 - Les bonnes Plantes poussent toujours plus vers l’Est

Zen. Tout est zen. Autour de moi, la pièce, un calme serein. Je serre entre mes mains la petite tasse beige à moitié pleine de cappuccino, tiède. Je ne sais pas si ce sont mes mains qui refroidissent la tasse ou si c’est la tasse qui réchauffe mes mains, qu’importe.
Assis à cette petite table nappée de fleurs, un bouquet de menthe sauvage posé au centre, dans un petit vase en verre, je fixe le chat couché en rond dans son panier moelleux. Je suis chez ma meilleure amie, Ginny. Elle s’appelle Flora, mais je l’appelle Ginny à cause de son goût pour le gingembre, qu’elle aime tant. Flora fait des études d’herboristerie, ce qui me fait sourire, son prénom semblant l’y avoir prédestiné. Comme l’herboristerie a été bannie en France, du moins, que le diplôme d’herboriste a perdu sa valeur dans ce pays, Ginny reçoit des cours par correspondance, qui proviennent d’Allemagne. Elle est très douée et reconnaît facilement une plante qui semblerait inconnue à un individu lambda. Elle sait aussi préparer des onguents, des tisanes, ou d’autres mixtures aromatiques et bienfaisantes.
Je suis là, à contempler le salon qui me semble particulièrement agréable. Le piano, en face de moi, fait la tête. Une musique du monde a remplacé le son du divin instrument, et s’évapore dans la pièce à travers les enceintes. Voilà Ginny. Elle pose son bol sur la table, et commence à écraser des plantes sèches avec le mortier. « Je prépare une tisane pour ma mère », elle me lance. Sa mère est également une personne exquise. Toujours souriante, toujours accueillante. Les deux sont, en tout cas, pleines d’énergie. Une énergie magique.
Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Ginny. On discute de nos vies à tour de rôle. Je la regarde préparer la tisane, je sens l’odeur des plantes fraîchement broyées : thym, romarin, lavande. « Tu prépares une tisane avec ça ? » je lui demande. Elle me répond que, en fonction des maux que l’on subit (mal de dos, digestion difficile, …), on prépare une tisane avec des plantes ayant des propriétés bienfaisantes adaptées. « Ma mère est un peu stressée par son boulot, alors je lui met des plantes sédatives » me dit-elle en souriant.
Je suis embaumé dans une ambiance de rêve. J’aime Ginny. J’aime tout en elle. Je sais qu’elle a enduré, sa mère aussi d’ailleurs. Je sais comme vous avez souffert. J’aimerai vous apporter le réconfort de même, mais j’ai toujours l’impression de n’en faire pas assez. Ça ne semble pas vous soucier, mais je tiens à le faire. Cette pensée est rare en mon esprit. Je continuerai de la faire grandir, de la préserver. Après tout ce qu’elles ont connu, être aussi frais dans sa tête me paraît quelque chose de formidable. Vous êtes comme les plantes que vous chérissez. Même broyées, vous conservez vos propriétés bienfaisantes. Je finis ma tasse : le cappuccino est presque froid. Je prend le sac à côté de moi, en sors le paquet rouge, noué d’un ruban doré et le met sous les yeux de Ginny. « Tiens, c’est un peu tard, mais bon, mieux vaut tard que jamais ! ». Elle s’exclame « Oh ! fallait pas ! ». C’est une figurine d’un personnage de manga. Ginny aime beaucoup le Japon dans sa culture, et le manga en particulier. C’est une passion que nous avons en commun. « Merci ! » Elle m’embrasse. Ses joues sont chaudes et moelleuses. La tendresse m’envahit, ça faisait longtemps.
Je dois déjà repartir. Je me lève de ma chaise, pour m’accroupir aussitôt et tapoter la tête duveteuse du chat, réveillé par l’enthousiasme de Ginny. Je vais embrasser sa mère, qui s’affaire dans la cuisine, puis Ginny, qui m’attend devant la porte. Elle m’accompagne à l’ascenseur, avant de disparaître derrière les portes de ce dernier en un bref coucou de la main. Je me retourne et voit mon image dans le miroir de la cabine : cette fois, je ne vois que moi. Un être souriant, charmant, et sain d’esprit.