Dimanche 17 août 2008
à Plombières les Dijon
20h13. Je gare la voiture dans l'allée. Je rentre chez moi après avoir passé plusieurs jours sans y dormir. Je trouve ma mère dans la cuisine en train de manger. Esseulée. Elle me fait de la peine. Moi j'ai pu sortir la tête de l'eau malgré mon chagrin, grâce en grande partie à Melissa, elle, elle continue son apnée.
Ma chambre est un vrai foutoir. Je me jette sur mon lit. Épuisé. Épuisé de ne rien faire. Il n'y a pas un bruit.
Je pense à mon père. Cette soirée risque d'être longue. Je me connecte sur MSN. Il n'y a pas grand monde. Pas grand monde avec qui j'ai envie de parler. Je n'ai envie de parler à personne. Je me déconnecte. Je pense à ma mèrE. Je pense à mon père. Je descends chercher une pomme. Ma mère est toujours dans la cuisine. Elle fait la vaisselle. Elle frotte un couteau depuis plusieurs minutes avec le grattoir de l'éponge lorsque je l’interpelle.
« Maman, t’as encore laissé la télé allumée alors qu’il n’y a personne dans le salon.
- Si, il y a Jean-Pierre sur le canapé, me dit-elle le plus normalement du monde. » Je resitue : Jean-Pierre c’est mon père. Ou plutôt c’était mon père.
« Maman, tu sais bien que Papa est mort.
- Oui je sais, dit-elle les yeux fixés sur le manche du couteau qu’elle continue de branler.
- Donc il ne peut pas être sur le canapé en train de regarder la télé.
- Jean-Pierre est devant la télé. »
Elle semble tellement croire à ce qu’elle dit que je sors de la cuisine ma pêche dans la bouche et me dirige vers le salon. Sur le canapé il y a effectivement quelqu’un. Ou presque. Il y a un petit chat rayé noir et gris. Je le prends dans mes bras après avoir posé mon fruit. Il est tout doux, tout léger, et tout tremblant.
« C’est lui Jean-Pierre ?
- Oui, il n’y a que lui qui regardait la télé.
- Il sort d’où ?
- C’est une dame qui habite impasse Monnot-Boissière qui en vendait. Je l’ai acheté avant-hier. Je me sentais un peu trop seule dans cette maison vide.
- Il fallait me le dire, on serait venus avec Melissa.
- Tu ne seras pas éternellement là. Et puis je fais ce que je veux. »
Elle lâche le couteau et moi le chat.
Tout de même, Jean-Pierre, c’est pas un nom pour un chat.