Jeudi 1er juin 2006
à Chenôve
Je me sens seul.
Et je crois pouvoir dire que j’aime ça… je sens les plis des draps blancs sur mon corps, leur doux frottement et l’espace d’une seconde je me retrouve chez ma grand-mère. Moment d’enfance. Instantané polaroïd. Ces nuits pendant lesquelles je dormais seul avec mon cousin et ma sœur ; la chambre squattée au maximum. Et nos conversations ; infinies. Nous trois serrés l’un contre l’autre pour ne pas avoir froid dans ces soirées d’hiver. Et ma grand-mère qui passait. Nous faisions semblant de dormir. J’ai toujours adoré ça.
Sur ce drap maintenant une couverture de laine rouge. Elle court sous ma main. Déjà deux fois qu’elle tombe du lit et que je me penche pour la ramasser. Seul dans un lit simple. Un lit double a toujours été trop grand pour moi. Même quand j’y étais avec quelqu’un. Je ressentais que quelqu’un était de trop. Je me sentais de trop. J’ai l’impression parfois que je me suis toujours senti de trop. Dans la vie des autres. Dans ma propre vie même. Pouvoir vivre sans moi. Vivre enfin dans l’extase absolue de sa non-existence. Vivre sans se voir vivre.
Aujourd’hui finalement je me rends compte qu’avec moi-même je me sens bien. Je me sens en osmose. C’est bien de vouloir vivre en osmose avec les autres ; mais essayer de vivre en osmose avec soi, n’est-ce pas un comble ?
J’ai parfois l’impression que je suis un comble à moi tout seul.
Et le comble du comble ; c’est que j’existe.
Dans : « je suis seul », j’entends : « je suis ». Et déjà…
Je suis.