Fragment #8 – Mauvaise humeur passagère

Aujourd'hui, je n'avais aucune envie de me rendre chez papa-maman pour le traditionnel déjeuner dominical. Je suis donc resté à l'appartement avec Robin, histoire de profiter de nos derniers jours de tranquillité tous les deux, avant la rentrée. Si l'année qui vient s'annonce aussi éprouvante que la précédente, on aura peu de temps pour lever le nez de nos cahiers de cours, alors autant faire le plein de calins maintenant.
Hier, on est allé voir Julian à la clinique, et Maura, l'infirmière, nous a dit qu'ils allaient changer son voisin de lit et en installer un autre. Mais on ne nous parle pas d'une amélioration de son état. Depuis quelques temps, je réussis à ne pas pleurer en allant là-bas. Je ne sais pas pour combien de temps Julian va rester là-bas. Peut-être qu'il n'en sortira jamais, de cet hôpital, et cette pensée me donne fortement envie de fracasser la tête de Florian contre celle -tout aussi butée- de papa.
Mais non. Moi je suis le petit dernier, le gentil benjamin de la famille qui ne ferait jamais une chose pareille. Et pourtant, regardez-moi ! Je suis allé jusqu'en Espagne pour ramener mon frère schizophrène à la maison (mais était-ce vraiment une bonne idée ? je préfère ne même pas me poser la question, de peur d'avoir fait la plus grosse bêtise de toute ma vie). Est-ce que quelqu'un s'est inquiété pour moi ? Est-ce que quelqu'un s'est demandé un instant si j'avais eu peur ? Maman, pourquoi est-ce que tu ne t'inquiètes pas pour moi ? Est-ce que tu t'es dit que, peut-être, j'étais amoureux ? Est-ce que tu as imaginé un instant que je vivais peut-être quelque chose de fort, et que j'avais envie de te le dire ? Mais non, je ne PEUX pas te le dire. Tu ne pourrais pas comprendre, comme papa, comme Florian. Tout ce dont vous êtes capable, c'est me demander : « alors, elles sont mignonnes tes petites copines à la fac ? ».
Robin me dit que j'ai l'air morose, depuis mon retour d'Espagne. Je lui réponds que ce n'est rien, que je suis juste un peu déprimé, que ça va passer. Il se lève et, entre deux bouchées de salade, m'embrasse. Il me dit qu'il est amoureux de moi.
Voilà, c'est passé.