Fragment #158 – Dans le train

Je hais les trains. Enfin non, je hais les gens qui prennent le train. Pourquoi, mais pourquoi ne suis-je pas en première classe ?! Ca m’éviterait d’être dévisagée par ce gamin aux yeux globuleux et au nez qui fuit. Je le fixe méchamment. « Hey petit, tu savais que les rousses sont des sorcières ? » J’éclate de rire alors qu'il part se réfugier vers sa mère, une petite grosse avec une tête de porc. J’adore martyriser les gosses.
J’ai été un peu dure avec Mamá… Ca ne doit pas être facile pour elle de voir sa grande fille exposer ses blessures de guerre comme ça, de la savoir malade, d’être loin. Ok, promis, je lui écris une carte dès que je rentre pour m’excuser. Ce qui est sûr, c’est que mes deux colombes ont adoré leurs cadeaux.
Je n’arrive pas à me sortir Julian de la tête… Il était si.. Aïe ! Qui est ce connard de mini-pouce qui m’a envoyé ça sur la gueule ?! Je remonte la capuche de mon sweat, de façon à me cacher à moitié. Il était si.. Etrange. Il a du prendre un mauvais trip et rester perché.
« Mais si c’est elle, j’te dis !
- Mais non, tu rêves !
- Si j’te jure, regarde !
- Bah va la voir ! »
Mais de qui elles parlent, ces deux pré-ados au look énervé ? Je me retourne discrètement, essayant de repérer Hillary Clinton ou Rihanna. La brune s’approche de moi.
« Excusez-moi, je pourrais avoir un autographe ? »
Je la regarde à peine, tourne la tête vers mon voisin, qui dort en ronflant bruyamment. Jean-Marie Bigard ? Benoît XVI ? Patrick Sébastien ?
« S’il vous plaît ! »
C’est là que je me rend compte qu’elle me tend une page d’un magazine quelconque, sur laquelle on distingue clairement… Euh, bah, moi.
Je suis tellement estomaquée qu’aucun son ne sort de ma gorge. Je prends le feutre rose, signe, seulement « Sylvia ».
Puis elle se casse en émettant de petits sons hystériques.
Je mets mon iPod en marche, ferme les yeux ; et je sens mes lèvres sourire machinalement.