Samedi 13 décembre 2008
à Plombières et Dijon
12h15. J'ai déjeuné il y a peu ; j'ai faim, mais ce n'est pas de nourriture que j'ai faim. De chair humaine mon ami. De chair humaine. Je descends de la voiture que je vient de garer en bas de l'immeuble. Je n'oublie pas de prendre le bouquet de fleur. Je sors de ma tête ma mère, son interminable interrogatoire auquel je me suis cordialement plié, et sa partie de Scrabble non terminée.
Je monte les escaliers. Excité. Je frappe à la porte. Cette porte par laquelle je suis déjà passé des dizaines si ce n'est des centaines de fois. Elle ne sais pas que je viens la voir. Je ne lui ai pas dit que je rentrais ce weekend.
La porte s'ouvre sur une Melissa toute en beauté. Ma Melissa. Elle est surprise, comme je m'y attendais. Je m'approche pour l'embrasser. J'ai l'impression d'embrasser un mort. Un mort stoïque en plus. Je n'ai pas bougé, je suis toujours dans le couloir, elle dans l'embrasure de porte. Elle ne semble pas disposée à me faire entrer. J'ai compris. Ce n'est pas vraiment la peine qu'on en parle. C'est en grande partie de ma faute ; c'est moi qui suis parti et qui ne donne pas de nouvelles.
« Je suis désolée. »
Moi aussi ; mais je ne lui dis pas. Je lui en veux d'avoir laissé s'éteindre la flamme de notre amour feu follet, tandis que dans mes rêves les plus fous je continuais inlassablement d'en entretenir les braises.
Y a t-il un autre homme dans sa vie ? Et s'il était derrière cette porte qu'elle ne veut pas me laisser franchir ?
Après quelques minutes de silence, et une tacite explication de la situation, elle referme la porte, l'effaçant de ma vue, mais pas de mon esprit. Je dépose sur le paillasson, mon bouquet de rose rouge passion, en guise de deuil. Celui de notre amour rougeoyant.
Je remonte dans la voiture. J'ai envie de parler à quelqu'un. De rompre ce silence. Mais à qui ? Lilian. Je le trouverais peut-être au Dionysos. Je mets le contact, et démarre. Toujours ce silence.
Assis seul devant un verre de Martini blanc je n'arrive toujours pas à croire à ce qui m'arrive. J'aurais pu faire le mot potager avec mes lettres de Scrabble. Je reste sur ma faim de chair humaine. Et Lilian n'est pas au Dionysos, mais il y a tout un tas de décorations de Noël. Triste vie.