Fragment #119 - Prête à les défendre, toutes griffes dehors, comme une lionne.

Après être passés prendre Lilian, Florian et sa petite Léa, et avoir présenté au grand frère sa petite merveille de nièce dont il est déjà gaga, nous attendons maintenant tous les six devant la porte impressionnante de la demeure des Mahogany. Malgré mon aplomb et le fait que je sois prète à défendre ma petite famille bec et ongle face à n’importe qui, je ne peux pas m’empêcher de stresser à mesure que le moment de frapper à la porte se rapproche, malgré toute la force que m’envoient les frères de Julian.
C’est le moment justement. Julian tient fermement ma main et frappe deux petits coups à la porte de sa propre maison…

C’est la mère de Julian qui vient ouvrir la porte en coup de vent, avant de nous lancer tout en continuant sa course :
« Entrez vite, tous, j'ai une dinde sur le feu moi les enfants... ».
Julian me regarde, puis regarde sa fille. Il arrête sa mère en attrapant son bras au vol :
« Maman, je peux te présenter ta petite fille ? »
Madame Mahogany s’arrête instantanément et pose ses yeux dans la poussette :
« Bien sûr, où est-ce que j'ai la tête aujourd'hui moi ? »
Elle me sourit, sans que je puisse vraiment prévaloir de l’authenticité de cette courbette.
« Ohhh, comme elle est mignonne celle-ci aussi ! Je peux la prendre dans mes bras cette petite chérie ?"
A peine avait-elle prononcé cette phrase que ma petite merveille est déjà au bout de ses bras.
« Allez chérie, dit bonjour à Mamie... Heu elle pourra vous appeler Mamie pas vrai ?!
- Elle est tellement adorable... Mais chez nous on dit « grand-mère », on n'aime pas « mamie », ça fait un peu trop "couche populaire"... Comment il s'appelle, ce petit ange, déjà ? »
Je regarde Julian, un peu perplexe…
« Bon ok, va pour « grand-mère » alors. L'avantage c'est que ça différenciera de ma maman à moi qu'elle appellera Mamie... Elle s'appelle Kokhavah Madame Mahogany...
- Toi, tu peux m'appeler Dona, ma chérie... ».
Cette fois-ci elle me sourit. Vraiment semble-t-il…
« Bonjour Kokhavah, je suis ta grand-mère... D'où est-ce qu'il vient, ton joli prénom ? »
Julian répond avant même que j’ai pu le faire moi-même. Je suis tellement comblée de voir combien il est fier de sa fille…
« Ca veut dire "étoile" en hébreu, maman.
- En hébreu ? » s’étonne Dona en scrutant toujours ma fille. Je lui explique :
« Oui enfait ma famille paternelle est juive et algérienne... et j'avais envie de transmettre un peu de ça à ma fille.
- Tu as bien fait, ma chérie. Moi je regrette que mes enfants n'aient rien de mes origines dans leur prénom ni dans leur nom, aujourd'hui. C'est important, les racines. »
Florian vient nous sauver de ce qui s’annonçait être un « blanc » d’anthologie :
- Et si on bougeait du couloir ? Y a peut-être un petit quelque chose sous le sapin pour nos chipies, si le père noël est passé cette nuit... »

Dona me redonne Kokhavah et je respire déjà un peu mieux. Et un beau-parent de fait, un ! Nous nous dirigeons vers le salon quand, en passant devant le bureau du père de Julian, celui-ci me fait signe de venir à lui. J’avale ma salive difficilement et bruyamment.
"C'est ma petite-fille ?" demande-t-il aussi froid qu’à son habitude.
« Oui, il semblerait bien… Je vous présente Kokhavah, Monsieur Mahogany.
- Bonjour, Kokhavah. » Je sens son regard se troubler et sa voix se voiler. Il ajoute :
« Elle est très jolie…
- Elle a beaucoup pris de son côté paternel parait-il... on me le dit souvent.
- Si elle n'avait pris sa beauté que de son côté paternel, ce serait une beauté bien froide, ma chère. »
J’avoue que je m’attendais à tout sauf à un compliment. J’en suis toute déstabilisée :
« Heu vous voulez la prendre dans vos bras ? »
Il lève la tête vers moi et…
« Ah vous êtes là ! Venez, y a des cadeaux pour la petite sous le sapin ! »

Je me retourne et jette un dernier regard au père de Julian. Au grand-père de ma fille…puis rejoins le reste de la famille autour du sapin, le laissant seul se faire dévorer dans son Temple de Papier.