Fragment #499 - Tout l'or du monde

C'est Florian qui conduit la voiture. Lola et moi sommes à l'arrière, avec Kokhavah, qui somnole dans le siège auto de Léa. La route défile, les kilomètres glissent sous les pneus, peu à peu. Nous roulons vers notre nouvelle demeure, notre chez nous, celui que je ne quitterai pas de sitôt. J'ai passé mon temps à déménager, ces derniers temps, à me faire héberger, à voir les plafonds changer de couleur, de hauteur, de grain. Désormais je vais redevenir sédentaire, retrouver la stabilité. Notre chez nous sera le Temple du Bonheur.
« J'ai l'impression d'oublier quelque chose, je lance.
- Pfff moi aussi. Mais je me dis que c'est presque inévitable. M'enfin on part pas au bout du monde non plus. Ca pourra toujours être récupéré si c'est le cas.
- C'est vrai. Tant qu'on a rien oublié d'essentiel pour Kokhavah, c'est bon.
- A priori non, j'ai vraiment fait attention pour ses affaires. Et puis bon, on pourra toujours racheter deux ou trois choses au cas où... Pfff, j'dois avouer que j'suis un peu stressée !
- Alors que moi pas du tout, je réponds avec ironie.
- Mmm, gros malin va ! C'est ce qu'on va voir... »
Lola m'embrasse. Dans le rétroviseur, Florian nous regarde et secoue la tête en souriant.
« C'est parti, hein, je dis en passant mon bras autour du cou de Lola. Pas moyen de faire demi-tour maintenant...
- J'ai peur c'est vrai, mais je n'ai aucune envie de faire demi-tour. Finalement, tout ça, c'est ce dont j'ai toujours rêvé pour nous... Tu es heureux toi ?
- Toujours ! Flippé, mais heureux !
- Alors super, j'ai vraiment hâte de voir l'appart, la chambre de la petite, pouvoir décorer tout ça comme on veut... Ca va être CHEZ NOUS !
- Notre premier chez nous... »
Florian baisse le son de l'autoradio et nous lance :
« Attention les tourtereaux, on arrive sur la capitale ! C'est parti ! »
Nous entrons dans Paris. La voiture roule jusqu'à la place de la Nation, remonte le long du boulevard Voltaire, tourne rue de Crussol puis rue Amelot, et enfin rue Oberkampf. Nous nous garons tant bien que mal. Je vois briller les yeux de Lola. Elle va découvrir son nouvel appartement, celui que j'ai choisi pour nous trois, celui dans lequel il vivra loin de ses parents, loin de sa vie de jeune fille. Pour elle, ce n'est ni comme avec Ludovic, qui ne voulait pas s'installer avec elle (mais grâce auquel Paris n'a presque plus aucun secret pour elle), ni comme avec Théo, parce qu'ils n'habitaient pas si loin que ça de chez les Sinclar. Aujourd'hui, tout est différent, tout est plus sérieux, plus effrayant, même. Nous poussons la grille verte du 7 rue Oberkampf, entrons dans la grande cour pavée. Juliette, Simon et Sergueï accourent pour nous aider à porter les sacs et les quelques meubles que nous avons réussi à emmener.
Lola me regarde, heureuse.
Et ce bonheur vaut tout l'or du monde.