Samedi 14 février 2009
à Talant
Je regarde ma montre. Il se fait tard. Presque à contre cœur, j'éteins la lumière de mon bureau. Il n'y a plus personne à l'étage. Pas plus de bruit que de lumière. Je descends les escaliers. Il semble qu'il n'y ait pas plus de monde en bas. Comme souvent, c'est moi qui part la dernière. Je tourne dans le couloir en direction de l'accueil. Il y a de la lumière vers la sortie. Elle provient du bureau de Mario. La porte est entrouverte ; j'y passe ma tête. Je n'ai pas dû faire de bruit car il fixe son écran en tapant à toute vitesse sur son clavier.
« Tu es encore là ? »
J'ai dû le surprendre car ses doigts s'arrêtent de pianoter, et sa tête se redresse. Je reprends.
« J'y vais moi.
- Attends-moi trente secondes alors, j'éteins et j'arrive. »
Il sort devant moi, je tape le code de l'alarme et ferme la porte à clé.
Nous nous regardons dans la rue. Son petit sourire en coin cache quelque chose.
« Je te ramène Sylvie ?
- C'est gentil, mais ma voiture est juste en face.
- Tu as prévu quelque chose pour ce soir ?
- Non. J'ai un peu de repassage qui m'attends, mais...
- Alors laisse-moi t'inviter. Ton repassage peut attendre, et ta voiture peut passer le weekend ici, elle ne dérangera personne.
- J'accepte de boire un verre avec toi, mais après je rentre chez moi. On va où ?
- Chez moi.
- D'accord, mais je prends ma voiture.
- Comme tu veux. On va se suivre alors. »
Il est arrivé avant moi. Il m'attend au bas de l'immeuble. Nous montons les étages main dans la main. Ce que nous ne faisons quasiment jamais. Nous sommes proches. Nous nous voyons régulièrement. Mais j'ai préféré que l'on reste chacun chez soi. Je ne voulais pas non plus qu'à l'agence nos collègues soient au courant de notre relation. Cela ne les regarde pas. Mario est doux. Il a respecté mes vœux. Je lui en suis très reconnaissante. J'ai un peu honte de refaire ma vie. Je ne suis pas encore prête à l'assumer. Encore moins prête à ce que les gens le sache. Une douce odeur nous enivre dès que les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Il tourne la clé dans la serrure. Ouvre la porte, et me fait entrer, gentleman, la première. Et là, c'est la surprise totale. Le sol est jonché de pétales de rose. Une bouteille de champagne nous attend dans un seau à glace. Deux coupes regardent avec envie le seau et la bouteille. Il me prend par la taille, et me glisse à l'oreille un doux « Joyeuse Saint-Valentin ma Sylvie ». Son accent d'italien charmeur m'envoûte. Je suis saoule avant d'avoir bu une seule goutte. Je me retourne et dépose un baiser sur ses lèvres. Je ne me souvenais pas que c'est aujourd'hui. Nous ne faisions jamais rien de particulier avec Jean-Pierre. On s'aimait bien sûr, mais comme tous les autres jours. Ni plus ni moins. En ce moment j'aime Mario. Qu'en sera-t-il demain? Je ne sais pas. Autant profiter du moment présent. Si il y a bien une chose que l'âge me conseille c'est bien cela : profiter tant qu'il en est encore temps. Tout le monde part un jour. A lieu de s'y préparer, vivons ce que l'on a à vivre, aimons ceux que l'on a à aimer, et la mort paraîtra bien peu de chose. Je fais glisser le manteau d'hermine de mes épaules. Il m'en débarrasse. Nous nous installons sur le canapé. Il ouvre la bouteille bien fraiche et sert les deux coupes. Nous trinquons à la Saint-Valentin.