Fragment #55 – Se souvenir

Sujet: Fragment #55 – Se souvenir 12.03.09 19:42

Jeudi 12 mars 2009
à Dijon

1er décembre 2007. Il s'assied à côté de moi. Le garçon aux cheveux bouclés. Je me concentre sur la voix du prof, mais je ne l'entends plus. Il y a ce garçon à côté de moi, j'ignore son prénom mais je connais son visage, pour l'avoir observé à chaque cours depuis la rentrée. Et aujourd'hui, il s'assied juste à côté de moi. Seigneur, est-ce que Tu as entendu mes prières ? Est-ce que Tu me pardonnes mes péchés et mon attirance pour les gens du même sexe que moi ? J'ai promis de croire en Toi si Tu me donnais l'occasion de le connaître, mais aujourd'hui, placé devant le fait accompli, je ne pense pas que tiendrai parole. Après tout, c'est peut-être tout simplement le hasard, peut-être qu'il s'est assis à la première place venue. Non, c'est impossible. Le garçon aux cheveux bouclés s'assied toujours à la même place. Et cette même place n'est pas occupée aujourd'hui. Pourquoi diable a-t-il décidé de venir s'installer de l'autre côté de l'amphi, juste à côté de moi ? Je fais glisser mes yeux sur le côté, sans bouger mon visage, pour le regarder en coin. S'il m'observe lui aussi, cela voudra dire que... Non, il ne me me regarde pas. Dommage. Et maintenant ? Non, toujours pas. Pourtant, en s'asseyant, il m'a souris, non ? Je suis sûr qu'il m'a souris, je l'ai vu. Mais si tel était le cas, pourquoi est-ce qu'il m'ignore maintenant ? Est-ce qu'il a peur ? Est-ce qu'il est timide ? S'il est venu de l'autre côté de l'amphi pour moi, laissant ses amies de côté, c'est qu'il n'est pas timide. Il a fait le premier pas, il faut qu'il aille jusqu'au bout. A moins que ce ne soit à moi de faire ou dire quelque chose... Mais dire quoi ? Je sens une vague de chaleur rougir mon visage et je prie pour qu'il ne sente pas les ondes de stress qui se dégagent de mon corps. Au fond, je suis idiot, je ne sais pas s'il est gay ou non. A première vue, il n'en a pas l'air, mais d'après ce qu'on me dit, moi non plus, et Jed aussi passait volontiers pour un hétéro (quoiqu'il pouvait avoir, de temps en temps, quelques manières). Penser à Jed fait gonfler en moi une boule de rage. Salaud. Partir pour Londres et me laisser seul ici. Même Nicolas n'a pas réussi à me faire oublier ma colère à ton égard, cet été. Si jamais tu recroises mon chemin un jour, je te cracherai au visage et- Quoi ? Il a bougé ? Oui ! Le garçon aux cheveux bouclés à bougé ! Son bras s'est déplacé d'un centimètre dans ma direction. Est-ce que c'est un signe ? Est-ce que je dois faire de même ? Sans réfléchir, je fais semblant de m'assoir plus convenablement et repose mon coude tout contre le sien. Mes jambes se mettent à trembler. Est-ce qu'il me regarde ? Est-ce qu'il va retirer son bras ? Non, il ne bouge pas. Il ne s'occupe pas de moi. Non. Il colle lentement son bras contre le mien. Ma peau transpire de peur. Tout doucement, je sens son auriculaire caresser le mien, et mon sang commence à bouillir. Érection instantanée. Il me touche. Seigneur, il me touche, il me caresse. C'est sûr maintenant, c'est vraiment réel, il est à côté de moi et ce n'est pas par hasard, et il me caresse légèrement le doigt. Je ressens cette même excitation que celle qui m'envahissait il y a deux ans et demi, avec mon frère et ses amis, sous la toile de tente. Peu à peu, nos doigts se rejoignent et se serrent, nos mains s'enlacent. Je n'ose pas tourner mon regard vers lui, pétrifié de peur, et il me semble que des gouttes de sueur coulent le long de mes joues. Comment peut-il faire si chaud alors que nous sommes à la fin de l'automne ? Mon visage est fermé. Je continue à faire semblant de suivre le cours et je sais que je joue mal, je suis certain que l'on doit sentir ma honte à des kilomètres à la ronde. Lorsque le prof nous invite à partir, nos mains se séparent brutalement, et le garçon disparaît sans un regard pour moi. Je n'ose pas bouger, je n'ose pas crier pour l'appeler, pour lui dire de ne pas partir. Est-ce que tout cela doit s'achever comme un songe ? Est-ce que tout cela doit rester éphémère ?
Je découvre alors un petit papier sur ma feuille de cours, sur lequel sont tracés quelques chiffres à la hâte, au crayon de papier. Dix petits chiffres de carbone. Et cinq lettres.
Robin.

Sujet: Re: Fragment #55 – Se souvenir 12.03.09 20:37

Très jolie cette rencontre, un vrai plaisir de la lire et de savoir enfin comment ça s'est passé.

Sujet: Re: Fragment #55 – Se souvenir 12.03.09 21:33

Sujet: Re: Fragment #55 – Se souvenir 12.03.09 23:15

Se souvenir des bonnes choses..

Invité

ah les premiers moments de rapprochement.. l'electricité qui se crée.. :)

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