Shedar
| Sujet: Fragment #10 - Insoluble dans le noir 11.04.08 12:13 | |
| Vendredi 5 janvier 2007 à Dijon Il est presque quatre heures, mais je ne peux pas dormir. Je bâille avec l’amplitude d’un hippopotame, mais je ne peux pas dormir. J’ai dans le fond des yeux des rêves doucement colorés, mais je ne peux pas dormir... Je pense à la petite dame. Et son chat bizarre. Je pense à Déborah. Et cette « méga-teuf », n’importe quoi... Peut-être qu’elles pensent à moi. Peut-être qu’elles dorment... J’ai l’impression d’avoir passé l’entière totalité de ma petite vie à mourir partiellement, nu sur le front... Le front sur les genoux, le tout dans mes bras, je pars dans les contrées lointaines de ma mémoire à la recherche d’un passé. Des repères. Une enfance. Une enfance qui aurait dû être différente. Vraiment différente. Différente au point d’être mienne. Et dignement. La vie est une hyène. J’entends la haine qu’on aurait pas dû s’offrir, car on aurait pas dû souffrir. Visualise cette énergie qu’on a si bêtement épuisée. Et ces silences qui restent là, car les bêtes ne se parlent pas. Ces silences qu’il reste à briser. Ces silences qui nous brisent la santé, mentale. Mental de guerrier. Guerriers tombés sous le feu de leur propre régiment. Familial... Pourtant on s’aimait. Je ne comprends pas. On s’aimait avant l’indifférence grandissante et les absences de moins en moins importantes. Avant qu’on ne s’abatte avec rien. Et j’en suis sûr, on s’aime encore aujourd’hui, comme n’importe quelle autre famille. Même si on s’aime différemment. Même si on s’aime indifféremment... Je ne voudrais pas d’une autre famille... Quatre heures. Je ne voudrais pas d’une autre famille. Je voudrais seulement dormir un peu... Dans ma chambre le silence est tellement fort que j’entends les battements de mon cœur résonner de telle façon qu’ils me paraissent lointains. Très lointains. Presque étrangers. Pas comme si j’avais quitté mon corps mais comme s’il m’avait expulsé, renié. Vomi. Pas comme s’il dormait paisiblement, sans moi, mais comme s’il se battait seul sur le front. Vide. Je ne comprends pas... Par la fenêtre on peut voir le froid. Intimidant. Intimidant mais pas suffisamment pour m’intimider. Je vais aller réveiller ma ville. Et vérifier que rien ou presque rien n’a changé depuis l’an dernier, que rien ou presque rien n’a changé en quelques jours. Vérifier qu’elle est toujours aussi onctueuse, même sous l’hiver. Vérifier que je l’aime encore, ma ville. Elle pourrait peut-être me réconcilier avec mon corps. Elle. Ma ville. | |
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