Fragment #90 - A l'affût

Le soleil a envahi le ciel azur de Paris. J’ajoute six sucres à mon thé à la menthe que je touille lentement. J’aime quand il est très sucré, trop sucré même. La chaise en osier grince doucement au moindre de mes mouvements, mais je ne changerai de place pour rien au monde. L’astre du bonheur réchauffe doucement mon corps engourdit par l‘hiver et assoiffé de chaleur. Mes lunettes de soleil me permettent de mater discrètement les passants, et accessoirement de lire un livre sans être ébloui par les pages blanches.
Ma sœur aime beaucoup l’appartement, elle a apprécié la décoration et les meubles. Malgré quelques remarques sur le bordel, la soirée a été globalement satisfaisante. Elle m’a avouée être contente que je sois parti : elle peut enfin inviter son petit ami chez elle.

- Et j’avoue, je ne supportais plus de te voir glander à longueur de journée.

Cette petite phrase a détendu l’atmosphère, grâce à elle nous avons pu rire de nos travers et défauts, de toutes ces petites choses qui agacent l’autre sans qu’on le sache. Je dois passer récupérer Tureïs demain au grand désespoir de Babeth qui l’aurait bien gardé.
Je ne réussis pas à avancer dans ma lecture, je suis à l’affût, mes yeux cherchent en permanence, épient tous les nouveaux arrivants. Je cherche.
Non je ne cherche pas, je m’occupe car ce livre est nul et ennuyeux.
C’est faux, « l’élégance du hérisson » est un super bouquin encensé par les critiques.
Il fait trop chaud et trop beau pour se concentrer sur un livre et il y a plein de beaux garçons à mater, pleins de sourire à donner.
Menteur, tu l’attends. Lui.
Qui ça lui ?
Lui, le garçon aux yeux verts, le garçon aux yeux céladon.
Non, c’est faux. D’ailleurs je vais devoir y aller, j’ai un dîner avec Alexandre ce soir. Je dois le remercier de son aide samedi dernier. Je tapote un texto pour lui indiquer l’heure et le lieux : devant le « Relais Gascon » rue des Abbesses, à dix-neuf heure. Je remonte doucement chez moi, en passant devant le restaurant. Je ne sais pas si il est gay mais ce mec est vraiment sympa. Avec un peu de chance je le baise, sinon on boira juste un verre entre potes, ce qui peut être sympa également. Je me dirige vers la douche pour commencer à me préparer. J’aime bien prendre mon temps. Quoiqu’il en soit, je ne ressens aucune appréhension, aucune inquiétude, ce dîner va bien se passer.