Fragment #3 - Retour

Aujourd’hui c’est la rentrée. Maudite rentrée. De sombres heures a l’horizon. Et toujours ce petit air de vacances qui me trotte dans la tête. Je suis un peu en avance : j’ai une sainte horreur d’être en retard, et aussi horreur des saints, alors pourquoi une sainte horreur ? pléonasme ? Fourchage de langue ? Je ne sais pas. Mais de toute façon tout va mal ce matin. Déjà mon réveil a sonné ; ma mère est venue me lever après avoir ramassé mon détraqueur matinal violemment bousculé sur le sol. Ma tartine s’est jetée corps et âme dans mon bol, se gonflant de café au lait, dégorgeant de cette mixture imbuvable que ma main a eu l’audace de verser allègrement. Je n’aime pas ça, j’ai même une sainte horreur , non horreur tout simplement -mais c’est déjà pas mal- de ça. Donc je n’ai pris qu’une tartine que je n’ai pas mangé, des céréales détrempées du lait périmé qui m’était réservé puisque tous les autres enfants de la maison ont quittés le nids, donc c’est moi qui finis les restes des vacances, mais pourquoi donc reviennent dans ma conversation ; avec qui je converse déjà ? avec moi-même ou mon ange gardien que je veux fustiger de ne pas m’avoir prévenu pour cette déjection canine qui pourtant attirait l’attention, mais visiblement plus celle de mon pied gauche que de mes yeux. M…. mes chaussures de rentrée ! Oh et puis zut avec cette rentrée, celle là même qui m’a obligé à laisser passer deux bus à cause du peuple qui se vautre comme des va-nu-pieds dans les transports en commun. Heureusement, moi aussi j’avais prévu d’être en avance pour retrouver ces gens qui se disent mes amis, mais je n’ai pas d’amis. Egocentrique a souhait, je m’en contente comme le malade de son incurable mal. Et puis, à quoi servirait-ils ? Non ce n’est pas vrai j’en ai plein. En fait non, ce ne sont que des connaissances. Qu’avons-nous en commun ? Rien de plus que ces phrases sans intérêt que nous nous échangeons. Me voilà qui arrive dans la rue. Chaud, il est 7h45 et il fait déjà chaud, trop chaud à mon goût, de toute façon je n’aime pas cette journée. Et vlan on me saute dans le dos ! « Alex ! alors tes vacances ? » Suis-je obligé de répondre à cette question sans importance qu’on va me poser maintes et maintes fois cette semaine sans jamais écouter le flots de parole s’écoulant de ma bouche et plongeant directement dans les profondeurs de la Terre, préférant traverser le bitume que les tympans de mes interlocuteurs. Donc je ne réponds pas. Mais déjà Steph, une amie ou connaissance plutôt, arrive coupe cette conversation que j’avais quand même ponctué d’un « bonjour », qui comme un boomerang m’étais revenu sans passer par la case départ, j’avais raison de ne pas m’être étendu sur mes vacances. Si tu étais là Eph…, je me sentirais moins seul. Mais tu n’es pas là.
La journée se termine, par une brève rencontre avec tous les profs, la déclamation de notre emploi du temps, la distribution méticuleuse de nos huit bouquins tous plus lourd et plus volumineux les uns que les autres, un nouvel embourbement dans la masse compacte des lycéens dijonnais dans MON bus, qu’ils osent emprunter impunément, et un repas bien lourd que ma mère cuisine tous les ans pour la rentrée !
Journée inutile ; journée inutilisée ; journée perdue.