Altaïr
| Sujet: Fragment #14 - Jill endormie... 09.04.08 13:58 | |
| Mardi 2 mai 2006 à Dijon L’édredon étendu sur nos corps est léger et lourd à la fois. Ce gros sac blanc rempli de plumes synthétiques pèse sur tous mes membres comme une enclume. La blonde chevelure de Jill me colle à la figure et je m’en dégage pour déposer un baiser délicat dans son cou. Jill frémit. Son corps tout entier s’anime et se serre contre le mien. Sa tête blottie contre mon épaule, je savoure ce doux sentiment, celui de se sentir bien, de se sentir homme, en paix avec soi-même. J’aime fermer les yeux dans la lumière sépia du matin, me laisser aller à écouter le rythme calme de nos respirations, respirer les effluves de notre nuit endiablée, l’odeur de sa peau de femme dépossédée de tous ces artifices olfactifs dont elles se parent la journée. Nos bouches se cherchent, se rejoignent, s’entrouvrent. Mon temple du sommeil baigne dans un silence sacerdotal. Quelle douce matinée, croquante et paresseuse comme une tartine beurrée… Accélération du temps. J’arrive en retard dans l’amphithéâtre. A peine le temps de souffler, on me remet une copie égratignée de rouge, une belle bâche comme je n’en ai pas reçu depuis longtemps. C’est d’abord le sentiment de l’injustice qui m’envahit, bientôt remplacé par le doute, et enfin par la culpabilité, la remise en cause. Suis-je donc si nul ? Non, juste incompris. C’est vrai quoi ! Mon devoir était excellent ! Un autre correcteur s’en serait aperçu. Je sais que je transpire la mauvaise foi, et au fond de moi je ne parviens même pas à me convaincre. Mais cette idée de différence me permet d’arborer un sourire goguenard et provocateur, frisant l’insolence, à l’égard de celui qui n’a pas daigné comprendre ni déceler mon talent. Je pense à Jill endormie… Accélération du temps. Nalvenn et moi arpentons le campus universitaire. Le mois de mai est enfin arrivé, et les cerisiers en fleurs sèment leur pluie de pétales dans le vent. La nature bourgeonne. Ma luciole est rayonnante dans ce petit chemisier d’été rose et sucré découvrant sa gorge. La gorge des filles me plonge dans un état second ; je pense à Jill endormie… Nalvenn est là, devant moi, son sourire cerise un peu effacé. Sans doute toujours en proie au vertige de l’amour. Moi aussi je suis amoureux. J’aime Jill, fou d’amour pour elle. A tel point que je voudrais le hurler, l’écrire partout, à même la peau tendre et blanche de Nalvenn. Il y a de la froideur dans sa voix, un vent âpre dans son rire. Ma luciole n’est plus la même. Le temps passe comme les saisons, les gens changent. Je n’ai rien vu venir. Mon sang englué par le poison aveugle de l’amour, je ne pense plus qu’à Jill endormie… | |
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