Altaïr
| Sujet: Fragment #37 - Chez Nathan 09.04.08 16:51 | |
| Lundi 26 juin 2006 entre le Kremlin Bicêtre et Paris Quelque chose qui me tire par la chair pour m’extraire de ce rêve et me ramener dans le réel. Quelque chose qui siffle. C’est un son, un son qui me secoue et me tire. A la frontière entre le réel et le rêve, même les bruits acquièrent une véritable matière. La cafetière. Je sens les choses frapper mes sens. D’abord le toucher, ma joue sur le canapé du salon, tout mon corps, et la couverture qui s’étale sur moi. L’ouïe, un sifflement et des bruits de pas, on ouvre le frigo. L’odorat, cette odeur matinale mêlée de café et de tartines beurrées, ambiance confiture. Le goût, la saveur de la nuit, un peu âcre dans ma bouche ; il persistera jusqu’à ma première bouchée, qui l’effacera sans difficulté. J’entrouvre les yeux. Nathan est là, en caleçon dans la cuisine de son petit appartement qui jouxte le pseudo-salon où l’on m'a installé, il déambule pied nu autour de la petite table et s’affaire pour préparer le petit déjeuner. Il est presque midi. Mon rythme a été bousculé depuis notre arrivée à Paris, il y a une semaine Et puis hier au soir, Nalvenn et Sébastien sont rentrés à Dijon. Parfum de gare. Nalvenn : Julian, tu dois te décider maintenant, après il sera trop tard.
Julian : Je n’y arrive pas, c’est trop dur de choisir. Tu comprends, c’est une partie de ma vie qui est en jeu derrière ce choix… Nalvenn : Ne dis pas n’importe quoi non plus… Sébastien : Le train va partir, Nalvy. Nalvenn : Ecoute Julian, ça te coûte quoi de prendre en main les rennes de ta vie, de faire ce choix et de décider comment mener ta petite existence pour quelques temps ? Hein, ça te coûte quoi ? Julian : Tu ne veux pas choisir pour moi ? Sébastien : Je t’attends dans le compartiment, Nalvy. Salut Julian. Nalvenn : J’arrive chéri. Julian : Salut Seb. [d'ors et déjà je sais que je ne rentrerai pas] Nalvenn : Si je dois choisir à ta place, alors le choix est vite vu. Au revoir Julian.
Et me voilà à Paris, encore. J’ai signé avec la capitale un contrat à durée indéterminée. En attendant, je vis ici, chez Nathan. Nalvenn a dit que ça me ferait du bien, même si, déjà, je souffre de ne plus retrouver chaque soir le petit confort rituel de mon temple du sommeil, ma petite bulle quotidienne ; Sébastien m'a quant à lui confié que son cousin ne voyait aucun inconvénient à m'héberger encore un peu. Quelle sorte de complot est-ce là, manigancé par ce petit couple attentionné? Je suis ici, à Paris, sans savoir comment ni pourquoi. Je suis juste là. Nathan est un type étrange. Son visage fermé est hermétique à toute émotion et je ne parviens pas à percer à travers ses défenses pour le comprendre, le cerner. Je suppose, derrière ce masque de chair, un monde assez semblable au mien. Chacune de ses paroles, rare et subtile, est un goutte d’eau dans le désert de ses silences interminables, et je me jette dessus avec l’avidité du gecko. Je me lève et viens m’installer à table. Ca me gène, de rester ici, chez un type que je ne connais que depuis une semaine, et qui est de surcroit le cousin d'un type que je connais tout aussi peu et que je ne peux pas sentir. Mais Nathan ne dit rien, alors je reste là. Et nous tartinons ensemble.
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