Altaïr
| Sujet: Fragment #54 - Le Temps des Imprécations 09.04.08 17:41 | |
| Lundi 14 août 2006 à Paris Je m’installe sur le tabouret du bar et pose un bras sur le comptoir. Tout, dans mon attitude, est travaillé au millimètre près, de la mimique alléchante sur mon visage à l’écartement précis de mes jambes. Relooké par Gautier, je me glisse parfaitement dans le décor d’une boîte de nuit branchée parisienne. [Gautier, pourquoi as-tu ris ?] Rythmes telluriques alentour, flashs et fumigènes multicolores. Je commande un verre de vodka à la serveuse de l’autre fois. Celle qui me dit de me méfier des hommes et de leur nature volage. Elle m’adresse un regard pincé, après avoir désigné Gautier sur le dance-floor, se déhanchant contre un autre. [Elle ne sait pas, elle, d’où vient le danger… Oh, Gautier, pourquoi as-t-il fallu que tu ries ?] Je me prépare déjà à commander un autre verre de vodka. Ma dernière visite chez mon grand-père m’a apporté une intéressante rémunération et, à présent, je change l’argent en alcool. Petit retour en arrière.
Je rentre de chez mon Grand-Père Robert, ses billets entre mes doigts dégoûtés par le contact de la vieillesse. Gautier est dans son appartement, allongé sur le lit, mon cahier entre ses doigts. Il lève la tête, lentement, et rit. « Un dieu ? dit-il d’un air moqueur, tu te fais pas chier toi ! » Et il rit. Je me fige sur le seuil, moi, le dieu démasqué. Et mon cœur de marbre blessé transpire de mépris pour toi, homme risible qui ne peut pas comprendre. Je t’écraserai du haut de ma toute puissance divine, par les pouvoirs que me confèrent mon ascendance et mon sang. Et tu subiras la honte d’avoir osé me trahir, à jamais.
Je regarde le DJ, derrière ses platines. Son visage de dieu entre deux flashs blancs m’apparaît comme un phantasme, une vision. D’un geste négligent, il replace son casque sur ses oreilles. L’espace d’un instant, il braque ses yeux sur moi. L’espace d’un instant, nos regardent s’interpénètrent, se fondent et se mélangent. Il est presque minuit, le temps des imprécations.
Et tu subiras la honte d’avoir osé me trahir, à jamais.
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