Bételgeuse
| Sujet: Fragment #112 - Je suis la reine debout 13.04.08 20:15 | |
| Mercredi 4 avril 2007 à Dijon Boumboum, boumboum. Le coeur qui bat à s'en décrocher, serré contre les côtes, le squelette devenu trop petit pour contenir tout cela. La porte que l'on pousse, appréhension, qui grince un peu ; passerai-je le pas ? Seuil décisif qui marque un tournant dans ma vie, dans ma lutte pour la vie. Derrière la porte, les murs blancs. Ici tout est blanc, blanc comme la mort. Ils m'ont attachée, ils m'ont forcée. Ils m'ont frappée lorsque je recrachais leur bouffe immonde sur leurs putains de draps blancs qu'ils croyaient mon linceul. Ils ont transpercé mon corps d'aiguilles, ils ont broyé ma liberté. Mama, si tu savais ce qu'ils m'ont fait. Ils m'ont prise pour une folle, ils m'ont enfermée ! Ils ont ri de mes cris et de mes larmes et du sang que je faisais couler. Tache rouge sur ce drap blanc... La lumière aveuglante, et l'odeur aigre qui suinte des murs de cette prison immaculée. Elle m'enserre de ses longs doigts, et comme une fumée se colle à moi, lascive, pénètre par tous les pores de ma peau, oppresse mes poumons. L'air infecté d'eux est à nouveau en moi, répandant un goût acide de bile sur le fond de ma langue. Les doigts enfoncés le plus profond possible dans la gorge déjà déchirée par l'acidité des sucs. L'estomac qui se contracte douloureusement. Recracher le vide, ce vide qui pèse si lourd sur mes épaules désaxées. Et l'effondrement. L'une d'entre eux qui vient me ramasser, morceau de chair à peine vivant, me repose dans mon cercueil blanc, et plante la pointe infestée de drogue dans mes veines bleu roi. Mama, personne n'a jamais su ce qu'ils m'avaient donné. J'ai du mal à respirer alors que j'arrive vers l'accueil. Faire demi-tour. Mais déjà il est trop tard ; je suis là, j'ai franchi le pas de la porte blanche ; ce chemin douloureux restera gravé en moi, tatouage à l'aiguille sur mon coeur qui palpite. A l'intérieur, le serpent rampe et se tord et me pince et me mord ; il a deviné. Lui qui fait désormais partie de moi, il sait. « C'est pour quoi ? » Enfilement de couloirs, encore. Lumière aveuglante, parfum aseptisé, encore. Les larmes qui coulent de mes poignets, mon sang de reine qui hésite à s'enfuir, l'eau salée sur mes joues décharnées. Mama, cette fois, reste avec moi, ne me laisse pas pantin entre leurs bras de bourreaux. Mes yeux s'emplissent de larmes, transpercés de son regard glacial. Mon coeur s'est arrêté, ou il bat tellement vite que je ne le sens plus. Mes organes s'entremêlent dans une effusion de sang sur lequel coule le poison incolore et poisseux ; ma chair se décompose ; mes os se liquéfient. J'ai survécu à ce qu'ils ont fait de moi. Les coups assénés ont durci l'âme qui se cache dans ce corps frêle. Ils ne m'ont pas eue ; ce qu'ils voulaient, je ne leur ai pas offert. Regardez-moi, démons blancs qui hantent encore mes nuits, je suis debout... ...et je me battrai jusqu'au bout. Je suis la survivante, je suis la balafrée. Essayez de me regarder en face ; mes cicatrices dégoulinent d'orgueil. Mes veines sont les traces bleu roi de ma souffrance à venir, car par elles dans tout mon corps suinte le poison. Elles sont la preuve. Je suis la reine debout. | |
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