Fragment #75 – Ma sorcière bien aimée

19h16. J'attends à la sortie de la gare, une clope au bec. Il fait frais et il pleuvine ; comme souvent ces derniers temps. Trop souvent. Une bouffée de nicotine pour mes nerfs, un chewing-gum pour mon haleine. Je suis crémé et coiffé. Elle est encore loin de Dijon. Je suis en avance. Elle est allée passer le weekend chez ses parents à Montbard. Son TER a du retard. Melissa. Je jette un coup d'œil à ma montre. Je décide de m'installer pour le prochain quart d'heure sur un de ces nouveaux bancs qu'ils ont installés sur la nouvelle zone de sortie de gare. Le nouveau Dijon s'installe petit à petit. J'ai toujours envie de le quitter pour la capitale et ses casernes grand format. Mais nettement moins depuis que j'ai rencontré cette fille. Melissa. On ne se fréquente toujours pas intimement, c'est officiellement une connaissance. Officieusement c'est plus que ça. J'en suis convaincu. Quelle sorte de connaissance veux-je avec elle ? L'aimé-je ? Rêvé-je ? Me trompé-je ? Je crois tout ; et oui ; c'est si beau ; espérons que non. J'en allume une nouvelle. Ça me calme. Pour être sûr de toujours stresser, comme si c'était utile, je relis les messages que nous nous sommes envoyés ces derniers jours. Il n'y a plus qu'elle dans ma boîte de réception. En sus de mon esprit c'est mon quotidien qu'elle remplit peu à peu. Pourtant nous n'avons pour le moment échangé qu'un café. Et des regards ; et des dizaines de messages ; et des heures de discussion sur Internet.
La voilà sur ses petits talons qui se la joue garçonne. Elle avance lentement dans ma direction, les mains dans les poches. Ça m'excite. Ses cheveux sont tirés sur le dessus et lâchés derrière, je sens le souvenir de leur parfum. Je me lève, un peu benêt. Je jette mon mégot. Plus que quelques mètres. Elle est belle. Trois. T'as vu ses cheveux. Deux. Et ses yeux noirs. Un. Je lui tends ma joue en me baissant. Zéro. Collision de ses lèvres sur les miennes. Elle l'a fait exprès j'en suis sûr. Oui, c'est sûr. Ses yeux sont devenus coquins, et sur ses lèvres un sourire est né. Elle me regarde. Je l'embrasse à mon tour. Elle y prend goût et décide de kidnapper mes lèvres. Je la sers contre moi. Je sens d'une main la cambrure de ses reins et de l'autre son épaule charnue, tandis que ma langue fait connaissance avec la sienne. Des minutes coulent sur nous, la pluie s'écoule dans le vent. Je sens la chaleur s'installer en moi. Éole n'a qu'à bien se tenir, il n'a plus de prise sur mon corps. Lorsque nous nous décollons ce n'est que pour reprendre notre respiration. Mon cœur bat à tout rompre, mais je ne l'entends pas. Mes yeux sont perdus dans les siens, ils semblent avoir trouvés un écho qui me réjouit. La ville s'est arrêtée de vivre autour de moi, le monde s'est éteint. Les transferts d'énergie ont du opérer puisque dans mon cœur tout s'est allumé, et je sens dans mes veines, chaque battement de mon cœur ; mes doigts sont le théâtre de pulsations de plus en plus régulières que je sens comme le reste. En moi. Je la presse plus fort contre moi, elle s'agrippe de toutes ses forces, le tourbillon du plaisir ne veut pourtant pas nous séparer. Je me décide à la lâcher d'une main ; mais je sers la sienne de ma seconde. Et nous partons côte à côte.
Nous avons trouvé de la place pour deux dans un petit resto rue Berbisey. Le cadre est joli, c'est dommage que je n'y jette même pas un coup d'œil. Elle m'a ensorcelé.