Fragment #66 – Claire, papa, maman et...

J'ai à peine le temps d'ouvrir la porte de mon appartement que Claire me saute dessus. J'étouffe presque sous son étreinte, mais je n'arrive pas à la repousser. Cela me réconforte énormément de serrer ma soeur contre moi. Elle me lâche et prend mon sac. J'avance dans mon appart'. Bon, au premier coup d'oeil, on voit que c'est entretenu, mais aussi que deux filles vivent chez moi. Agnès sort de ma chambre.
« Je me disais bien que j'avais entendu du bruit. Comment ça va Damien ?
- Bien. Et toi ?
- Très bien. Ca me fait plaisir de te voir.
- A moi aussi. »
Nous nous installons dans le canapé, sauf Claire qui préfère s'assoir par terre. Nous survolons vite fait les deux derniers mois. Agnès et Claire sont devenues très complices et il ne faut pas dix minutes pour que je sois complètement largué.
« T'aurais pu me prendre trente secondes au téléphone hier matin, Agnès.
- Quand ça ? »
Elle regarde Claire que je surprends en train de lui faire les gros yeux.
« Hey, y'a quelque chose que vous me dites pas toutes les deux ? C'est quoi ces regards à deux balles ?
- Rien, Damien. Rien. J'ai pas dû faire attention que Claire était au téléphone avec toi. »
Ca sent l'excuse pourrie. Je sonde Claire du regard qui fait mine de regarder sa montre, comme si celle-ci allait faire autre chose que lui donner l'heure.
On sonne à la porte. Je vais ouvrir la porte. Mes parents.
« Ton père et moi, on a décidé de venir manger ici plutôt que vous veniez, toi et Claire à la maison. Ca te fait moins de route.
- Bonjour maman. Comment ça va ? »
Ma mère est à peine rentrée qu'elle fait un tour visuel de l'appartement et demande à Claire si elle a bien fait le ménage, la lessive etc... Je souris alors que Claire me regarde d'un air plaintif et qu'elle répond aux questions de ma mère. Je les vois partir dans la salle de bain. Mon père et moi discutons un peu cinéma et commençons à mettre la table. J'évite soigneusement de développer par trop le sujet autour de ma vie à Paris. Je dis que tout va bien, même si cela est loin d'être vrai.
Durant le repas, je me surprends plusieurs à penser à Sofia et à Jé, à ce qui se passait sur Paris, à ce qui se passe autour de cette table, ce plaisir simple d'être là, ensemble. Je me demande ce que cela serait si Sofia, et même Jé, étaient là, avec nous, à rire, plaisanter. Plusieurs fois pendant le repas, Agnès pose sa main sur la mienne comme pour m'extirper de mes pensées et me sourit comme pour m'inviter à profiter de l'instant présent, avec elle et ma famille. Ce que je fais. Nous rions, mangeons et parlons beaucoup des études de Claire. Ma mère ne semble pas très satisfaite.
« Tu n'as pas eu un bon deuxième semestre apparemment. Tu vas devoir travailler dur pour avoir ton année.
-Ca va aller maman, je suis grande. Je vais l'avoir ma première année. J'ai pas l'air, mais je suis intelligente. Vous me l'avez pas mise en option comme Damien. Je suis née avec.
- Claire... Tu es usante à toujours dire des bêtises sur ton frère. »
Claire me fait un clin d'oeil. Un vrai petit rayon de soleil. Je me demande bien ce que je ferais si...
« De toute façon, tu ne m'enlèveras pas de la tête, ma fille, que ça irait mieux si tu ne voyais pas un garçon !
- Quoi ??? »
Mon père et moi avons presque crié. Nous nous regardons, haussons les épaules, puis regardons alternativement ma soeur et ma mère.
« Maman, je t'avais dit de pas le dire ! T'es dégueulasse.
- C'est rien, Claire, ton père peut comprendre. Et Damien aussi. Et puis, c'est devenu sérieux. »
Comprendre, ok. Accepter, ok. Mais ne pas savoir qui c'est, pas ok.
« Par contre, ta soeur n'a pas voulu me dire qui c'était. »
Alors là, c'était le truc à pas dire si on en voulait pas m'énerver.
« C'est qui ? Dis le moi.
- Non. Ca ne te regarde pas. Je suis plus une gamine.
- Dis le moi, tout de suite. »
Non mais, je veux savoir qui c'est qui tourne autour de ma soeur en mon absence. Claire regarde Agnès qui fixe son assiette.
« Ne me dis pas que tu le savais.
- Damien, elle est majeure ta soeur. Et puis, si elle a pas envie de te le dire... Elle fait ce qu'elle veut.
- Tu sais qui c'est.
- Non.
- Si et tu vas me le dire. »
Claire me regarde, plaintive. C'est pas contre toi, soeurette, mais je sais que t'es fragile sous tes airs de fille dure. Je veux juste qu'il t'arrive rien de mal. Agnès prend la main de Claire dans la sienne.
« Dis lui, Claire. Je suis sûr qu'il va comprendre.
- Ouais... Tu promets de pas crier, hein ?
- Je veux pas t'engueuler, je veux juste savoir qui c'est.
- Tu le connais. »
Je sais pas pourquoi, mais je m'attendais presque à ce qu'elle me dise ça. Elle ne m'avait jamais caché qu'elle voyait quelqu'un, quel qu'il soit.
« Je sors avec Sean. »
J'en connais un qui va entendre parler de moi.