Fragment #157 – L’Aigle et le Serpent

Here we are. Je ne sais pas tout à fait comment je me suis retrouvée là, à marcher dans les rues de Madrid avec Julian. Julian, merde ! Le beau petit Julian, celui qui faisait partie du Clan, intelligent comme un dieu et pourri à l’intérieur. Comme nous l’étions tous…
“To be honest, I don’t remember anything of what happened before.”
Et tu t’en plains ?
“Do you want to know ? Cause… You know, I’m not sure it would be better if I tell you. So… Your choice !”
Mais comment as-tu pu oublier ça ? Nos corps qui se confondent, nos esprits qui s’envolent, l’alcool qui coule, la drogue insidieuse qui nous possède…
Non, non, ce n’était pas « mal »… Mais c’est dur de vivre avec tout ça.
Il me regarde. Et mon instinct me dit que je me suis fait avoir. J’ai à peine le temps de sentir le serpent se lever dans mon ventre ; il me plaque contre un mur, avance ses lèvres… Ma main bondit contre sa joue. “What the fuck d’you think you’re doin’ ? ”
Il bloque mes poignets. Outch ! Aurais-tu fait de la muscu, Julian ?
“I wanna fuck you, beautiful bitch. ”
Non mais pour qui il se prend ? Un coup de genou dans les couilles, puis mon poing vient lui défoncer la mâchoire.
“Don’t call me a bitch.”
Et ce con me sort sa tirade genre « Je ne me souviens pas mais je sais que tu m’as trahi… Je suis ton pire cauchemar, blablabla… » Malade mental ! Ce type est pire que moi, en dedans.
Aïe ! Mon estomac se tord, mes viscères dégoulinent sur le reptile amphibie ; il siffle de bonheur. « Fonce, Sylvia, fonce. Tu tiens l’occasion de te venger. » La chaleur me fait tourner la tête, j’ai l’impression d’avoir le sein en feu. Sans même vérifier, je sais que le sablier est réapparu lui aussi.
“Ok. You know what ? Please fuck me. All night long. Like in the good old days. But don’t come and cry when you’ll be afraid of having woken up the snake.”
Il me saute littéralement dessus, me caresse la cuisse, Ils sont tous réunis pour voir le chêne pleurer ses larmes de sang, fait glisser ma robe sur mon épaule, Je suis en retard, en retard, la montre hurle sa terrible sentence « Souviens-toi », enfouit le nez dans mes cheveux, Les crocs plantés dans la chair, le serpent se réjouit, déverse-toi, déverse-toi…,
Puis je sens la pression sur mes bras qui se desserre, mon corps sans force qui coule le long du mur, le bruit de quelqu’un qui s’enfuit, ses paroles qui résonnent « Oh mon Dieu, Sylvia ! ».
Sur l’écran noir de mes yeux, je vois l’Aigle mordu par le rampant, l’Aigle qui défroisse ses ailes pour s’éloigner du sang froid chargé de poison.