Fragment #17 – Petite mise au point

D’un côté, il y a Julian, qui est sorti de l’hôpital mercredi, que je m’étais promis d’aller voir chez Papa et Maman, mais encore une fois j’ai été débordé par le boulot et j’ai pas pu, et ce con a déjà filé à Paris sans prévenir personne. Maman m’annonce la nouvelle d’un air un peu dépité, elle aurait voulu le garder plus longtemps dans sa maison comme au bon vieux temps, je crois.
De l’autre, il y a Lilian, qui me parle pas depuis… oh, ça sert plus à rien de compter les jours, de toute façon je lui parle pas non plus alors qu’il vit dans le même appart que moi. Et je rêve de lui presque toutes les nuits, ou une nuit sur deux, et je rêve qu’il est coincé sous de la glace et que j’arrive pas à le sortir de là à temps, et il meurt tout gelé devant moi.
Ensuite, y a Paul, mon meilleur pote, avec qui c’est tendu vu qu’il s’envoie en l’air avec ma fucking friend, et Sally, ma fucking friend, qui s’envoie en l’air avec mon meilleur pote, et du coup avec qui c’est tendu aussi.
Il reste plus que Maura, la jolie Maura Malvo, l’infirmière qui bosse dans le service psy et qui me regarde jamais, qui doit même pas se douter que j’existe. Merde, faudrait que je lui parle, mais comment ? Je peux que la regarder bosser, la regarder passer une main dans ses cheveux pour se dégager le front, la regarder ne pas me regarder. Merde, il FAUT que je lui parle, sinon je vais devoir me taper Mathilde, l’externe collante qui est accro à moi.
« Quoi ? »
Je relève la tête. Maura est juste devant moi, elle me fixe d’un air bizarre et je sens tout mon corps devenir mou et dur à la fois.
« Hein ? je réponds.
- T’arrête pas de me mater depuis tout à l’heure, c’est chiant.
- Mais non mais… non !
- C’est quoi ton prénom déjà ?
- F-Florian.
- T’es le frère de Julian Mahogany, Florian ?
- Oui p-pourquoi ?
- C’est moi qui me suis occupée de lui pendant tout le temps où il était interné ici. Je crois pas t’avoir vu souvent auprès de lui, alors que tu bosses ici, ce qui fait de toi soit un demeuré, soit un connard. Donc si jamais je te plais, tu peux t’enlever de la tête toute pensée me concernant, c’est NON, non, non et non, y aura jamais rien entre un enfoiré d'informaticien qui pense qu’à sauter les infirmières et moi. Compris ? »
Je hoche la tête, bêtement, et je la regarde partir. Merde, elle abuse quoi, j’en ai sauté qu’une, d’infirmière…

Bon ben, me reste toujours Mathilde, finalement.