Aldébaran
| Sujet: Fragment #38 - Retour à la Maison 10.04.08 16:59 | |
| Jeudi 17 août 2006 à Dijon « Où étais-tu, mon chéri ? » Maman entre dans ma chambre. Son foulard tombe un peu sur son front. Elle le remonte, cachant sa calvitie qui reste pourtant à mes yeux si féminine. Ma maman chérie, pourquoi toi, hein ? Son foulard est mauve aujourd’hui. La couleur des grands jours. Je suis content de la trouver heureuse. Tu resserres le nœud sur ta nuque. Ta figure est encore émaciée. Mais au coin de tes lèvres, il y a toujours ce baiser, ce baiser toujours prêt. Pour Ariane, Vincent et moi. « Chez un copain, maman. Il a un appart près de la place Grangier, et comme c’est les vacances, on s’y amuse un peu. » Jed le sociopathe a une vie sociale maintenant, ma chère maman. Moi non plus je n’y croyais pas, mais ça se fait. Petit à petit. On comprend pourquoi l’homme n’est pas fait pour rester seul. Sinon il dépérit et meurt. Je repense à ce roi de l’Ancien Testament qui voulait savoir la langue naturelle des enfants. Il a fait grandir des bébés avec tous les soins nécessaires, mais auprès de nourrices qui ne leur parlaient pas. Sans mots, sans amour, les enfants sont tous morts, recroquevillés dans leur solitude. J’ai failli en mourir moi aussi, maman. Tu m’as sauvé Jonathan. Tu m’as sauvé Nathan. Nathan, de l’autre côté de l’écran. Toi qui m’as parlé, toi qui m’as appris à m’ouvrir aux autres. Toi le mur de Pierre qui t’es fendillé petit à petit pour moi, qui a laisser s’ouvrir tes blessures à mes yeux. Tu as toujours su écouter, mon Nathan, mais il y a quelques jours, tu as appris à parler. Tu es passé du cyber-confident au cyber-ami. J’ai appris sur Paris, j’ai appris sur Julian, j’ai appris sur Jed. J’ai appris sur tes journées interminables dans les transports en commun. J’ai appris sur tes conquêtes mortes, tombées devant le mur de Pierre. Tombées devant le rideau de fer. Pourquoi as-tu fermé ta boutique, du jour au lendemain ? Pourquoi nous as-tu laissé face à ce masque mortuaire ? Mais maintenant tu revis. Tu m’as juré de te dévoiler petit à petit, de m’ouvrir à tes secrets. Tu as fait le premier pas. Tu m’as expliqué ton affection pour Julian, ta volonté de l’aider à se sortir de ses culs-de-sac, de laisser fleurir son talent d’écrivain. « J’ai décidé de te faire un cadeau, Jed, Il va venir t’apporter une boîte. » Tu ne peux pas savoir, Nathan, à quel point tu m’as dérouté. Personne ne m’avait vraiment fait de cadeau. Personne n’avait jamais pensé à moi. Grâce à toi, je me suis senti aimé. Après, il y a eu Jonathan. Mais maintenant que je suis de retour à la maison, je repense à toi, Nathan, et à cette boîte mystérieuse. Et à ce mystérieux Julian. Maman, tu m’annonces ce que j’avais oublié. Tu pars en vacances demain avec papa. Vous descendez à St Maxime. Vous y avez loué une villa pour deux semaines. Je suis content que tu puisses enfin aller bien, ma belle maman. Vous deux sous le soleil, sous les palmiers. Loin de cette pluie battante qui règne à Dijon en ce moment. Ariane restera avec moi pour surveiller la maison. Belle Ariane, me pardonneras-tu ? Que sais-tu qui a assombri tes yeux à ce point ? Demain, la maison sera plongée dans ambiance de vacances, un stress pré-départ que j’appréhende déjà. Mais tu seras heureuse maman. Je t’aime à en crever. | |
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