Fragment #31 - Le temps d'un instant

C'est une belle journée. Je sors des cours avec Robin, fébrile. Nous rejoignons l'appartement, comme deux gamins surexcités qui ont envie de jouer. Florian, comme tous les jours depuis la rentrée, passe son temps sans bouger, devant son ordinateur, sur le canapé. Ce soir, je ne veux pas y penser. Je ne veux pas me faire de souci pour les autres. Je veux Robin, juste Robin. Ses lèvres sur les miennes, son corps contre mon corps. Je veux baiser ses paupières tout en douceur, le sentir rentrer en moi, aller et venir, me transporter. Je veux agripper mes mains autour de ses bras, accompagner ses mouvements, l'embrasser. Je t'aime Robin, je ne pense pas que tu imagines à quel point. Tu me regardes, et tu me souris, les lèvres tremblantes. Oui, tu vas venir, je le sens. Je gémis, mes doigts s'accrochent aux barreaux du lit, mes jambes s'écartent un peu plus. Tu y es presque, encore un effort. Oui, gifle moi, gifle moi encore, je veux que tes mains marquent ma peau et laissent des traces rouges, je veux cracher du sang, je veux... Une décharge de plaisir traverse nos deux corps. J'ai joui sans même me toucher, tellement c'était délicieux. Robin se retire, précautionneusement, et passe un doigt en riant entre les gouttes de spermes qui se sont écrasées sur mon ventre. Je le repousse, souriant, et attrape un mouchoir pour m'essuyer. Robin enfile un caleçon et se précipite dans la salle de bain. Je le suis, doucement, et passe devant le canapé, duquel Florian n'a pas bougé. Je le regarde, et aussitôt toutes les inquiétudes ressurgissent, celles qui s'étaient estompées le temps du désir, le temps d'un instant, d'une parenthèse. Florian va mal. Il a replongé dans son addiction pour les jeux vidéos, comme quand il était adolescent. Il vit en flottement, perdu dans des univers virtuels. Il n'est plus en phase avec la réalité.
« Tu veux sortir boire un verre ce soir ? je lui demande. »
Il secoue la tête sans me regarder. Il ne réagit plus à rien.
Je m'attendais à une telle réponse.