Fragment #42 – Échapper au monde

Ce soir, je me reconnecterai pas sur ce jeu. Trop peur de ce Goran, de ce qu'il me veut. Trop peur qu'il soit comme Lilian. Je suis au boulot, la tête dans les branchements, quand Maura vient s'installer à côté de moi et se racle la gorge pour attirer mon attention, genre « je suis là et j'ai un truc à te dire ».
« Ouais ? »
Je suis un peu rustre, je sais. Ca fait un moment que je parle plus trop aux gens au boulot, parce que j'ai pas envie de discuter, c'est tout. Pas envie de raconter ce qui s'est passé à Paris quand j'ai aidé Julian à déménager avec Lola et leur fille. Pas envie de parler de cette nana qui m'a attaqué dans le local à poubelles et qui m'a étranglé. De cette nana ou de ce mec, peu importe, puisque Julian m'a mis le doute. Peu importe, je m'en fous. Si j'arrête d'y penser, ça disparaîtra de ma vie.
Je veux pas qu'on me voie comme un faible, comme un lâche.
« On peut discuter ? elle me demande.
- De quoi ?
- Je sais pas, de toi.
- Pas envie.
- Flo, ça fait un mois que tu nous évites, on aimerait bien savoir ce qui se passe avec les autres.
- Quels autres ?
- Sally, Paul, Théo... On est tes amis et on s'inquiète, c'est normal.
- C'est pas normal de s'inquiéter quand quelqu'un va pas mal.
- Je suis infirmière en psychiatrie, je te rappelle...
- Et quoi ? J'ai l'air cinglé ?
- J'ai dit ça ?
- Non mais parce que comme mon frère est schizo, je le suis aussi pour vous quoi, c'est ça ?
- Flo, on pense juste que tu nous fais une grosse déprime et on aimerait remettre un peu de soleil dans ta vie. »
Je repense au soleil qui doit briller dans le ciel d'Hyrule aujourd'hui. Il doit être haut dans le ciel, et illuminer toute la vallée et le Mont du Péril. Peut-être que Goran a réussi à retrouver son village. J'espère pour lui.
« Ca va Maura, t'inquiète.
- Je te crois pas.
- J'y peux rien.
- Ok. »
Elle tourne les talons et s'en va, sans rien ajouter. Et merde, ce que je peux être con, des fois. J'aime juste pas qu'on cherche à me faire parler quand j'ai pas envie. C'est tout.