Bételgeuse
| Sujet: Fragment #26 - Chez Romain 12.04.08 20:13 | |
| Vendredi 4 août 2006 à Dijon Je n’ai pas encore ouvert les yeux que je sens que quelque chose a changé dans l’air de la pièce où je me trouve. J’ai même comme l’impression de ne pas être chez moi… Je laisse pendre mon bras hors du matelas, il ne tombe pas directement sur le sol, il pend de la hauteur d’un sommier. Je n’ai pas de sommier.
Quelqu’un s’active dans la pièce à côté. Bruits de vaisselle. J’essaie de me souvenir de ce que j’ai fait hier soir. Cette atmosphère n’est celle d’aucun de mes clients habituels. Et d’un coup, tout me revient : la déchéance, l’épreuve de la traversée verticale de l’immeuble. Le thé.
Mais pourquoi suis-je restée ici ? Ne me dites pas que j’ai… Non ! Pas avec Lui…
J’ouvre alors les yeux, m’assied sur le lit, dos collé au mur. Mes bras enserrent mes genoux, je plonge le nez dans l’intérieur du coude. Puis promène mes lèvres doucement jusqu’à l’épaule, je me sens petite, toute petite. Et je me rend compte que j’ai envie de peau, envie de glisser mes lèvre sur la peau douce d’un quelconque amant, sans que cela ne mène nulle part. Ce n’est pas une envie de sexe. Cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Juste besoin de sentir quelqu’un contre moi. D’embrasser tendrement un bras, une épaule. Je m’allonge à nouveau, à moitié sur la couette, un bras coincé sous mon visage.
Je devrais m’en aller, non ? Enfin, déjà, lui demander ce qu’il s’est vraiment passé, et puis partir, dignement. Je me lève, mes jambes tremblent. Je me rend compte que je suis en t-shirt. Dans un t-shirt qui n’est pas à moi.
J’ouvre la porte avec un peu d’appréhension. Me dirige vers les bruits d’assiette et d’eau. Reste quelques instants à la limite de la cuisine, espérant qu’il sente ma présence. Mais il semble trop absorbé par son éponge. Ou par ses pensées, je ne sais pas trop.
Je prends mon courage à deux mains et émet un léger
« Euhm… Bonjour. »
Il se retourne, lâchant au passage une assiette sur le carrelage. Des morceaux de porcelaine éclaboussent toute la pièce. Il regarde le sol d’un air découragé, puis relève la tête et ose un sourire timide. « Vous feriez mieux de remettre vos chaussures si vous voulez venir manger un petit quelque chose… » Et puis je me retrouve, toujours en t-shirt, assise en face de lui, devant une tasse de thé vert. Je lui avoue ne pas très bien me souvenir de la soirée. Il me raconte qu’il aurait voulu me faire avaler autre chose que de la ratatouille ; et que je me suis endormie lorsqu’il m’a fait écouter Mozart. Tout en parlant, il me tend une pêche et un morceau de pain. Ses yeux me le demandent comme un service. Je prends juste la pêche. | |
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